Quand le crétinisme fait le buzz...
Sans aucun doute, vous avez vu comme moi cette vidéo montrant deux rastas trouvant que l'enseigne LCL n'était pas assez visible et enlevant donc la plaque de rue qui figurait en dessous.
Comment ? Mon interprétation est mauvaise ? Le symbole capitalisme n'y est pour rien ? Ce serait donc une vengeance contre l'homme honoré sur la plaque. Mais qui est-il donc ? Victor HUGO, l'auteur de La légende des siècles et des Misérables. A la question «Quel est le plus grand poète français ? », tout le monde connaît la réponse d'André Gide : « Victor Hugo, hélas ! » Tout le monde ? Je doute que les deux auteurs du forfait filmé aient jamais entendu parler de Gide. Sûrement ils auraient pu être les « héros » auquel Hugo s'adresse dans le poème suivant :
A qui la faute ?
Tu viens d’incendier la Bibliothèque ?
– Oui,
J’ai mis le feu là.
– Mais, c’est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C’est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C’est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage !
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l’aurore.
Quoi ! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs d’œuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l’homme antique, dans l’histoire,
Dans le passé, leçon qu’épelle l’avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes ! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des Jobs, debout sur l’horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l’esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C’est le livre ? Le livre est là sur la hauteur ;
Il luit parce qu’il brille et qu’il les illumine.
Il détruit l’échafaud, la guerre, la famine ;
Il parle, plus d’esclave, et plus de paria.
Ouvre un livre, Platon, Milton, Beccaria ;
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille ;
L’âme immense qu’ils ont en eux, en toi s’éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu’eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t’enseignent ainsi que l’aube éclaire un cloître ;
A mesure qu’il plonge en ton cœur plus avant,
Leur chaud rayon t’apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur ; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l’homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C’est à toi, comprends donc, et c’est toi qui l’éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints !
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l’erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un nœud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il le l’ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c’est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela toi !
– Je ne sais pas lire.
(L’Année Terrible, VIII, 1872).
Ce n'est cependant pas une excuse au XXI° siècle : l'école est là pour transmettre la culture, donc apprendre à lire.
Nous assistons là à un retour de l'obscurantisme digne de celui mis en place par les mollahs ou les talibans. Peut-être ces ignorants voient-ils dans leur geste débile un attentat décolonialiste (je ne sais pas trop ce que cela veut dire, mais on trouve ce mot un peu partout en ce moment) ?
Un autre poète, Léopold Sedar Senghor, chantre de la négritude, avec entre autres Aimé Césaire et Alioune Diop, fut ministre de la République Française ; va-t-il être déboulonné ? Au nom de ses écrits ? Au nom de son engagement politique ?
Quand on lutte contre la culture universelle, le fascisme n'est pas loin.
Et ce n'est pas fini...