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Le blog de Bernard SARLANDIE

Uber Eats met 2 500 sans-papiers à la rue et on les regarde sans broncher

3 Octobre 2022, 11:00am

Publié par Bernardoc

Par Gurvan Kristanadjaja Journaliste au service Société in Libération du 1er octobre 2022

 

Uber vient de fermer une usine en France et de licencier 2 500 personnes. Enfin, pas tout à fait mais c’est tout comme : ces dernières semaines, la filiale «Eats» de la firme américaine a désactivé les comptes de plus de 2 500 travailleurs sans papiers suspectés d’être frauduleux. Ils se retrouvent sans travail et sans compensation. Uber a imposé depuis son arrivée en France en 2011 le recours aux indépendants pour plus de «flexibilité» : c’est la liberté de pouvoir rompre les contrats de 2 500 livreurs, sans préavis et sans avoir à s’en expliquer.

On fait face, encore et toujours, à l’hypocrisie d’Uber. Quand elles sont arrivées en France en 2015, les plateformes ont attiré des passionnés du vélo et des étudiants venus chercher là un complément d’activité. Au fil des mois, leurs rémunérations ont considérablement baissé pour compenser les pertes. Ils ont fini par quitter ce milieu pour laisser leur place à d’autres, plus précaires. Depuis 2019, donc, ce sont principalement des sans-papiers qui composent la flotte de livreurs dans les grandes villes. Une étude menée en 2022 à Paris et dans la petite couronne sur un échantillon de 500 livreurs affirme que seuls 9 % d’entre eux étaient de nationalité française. Il n’y a qu’à se pointer devant un fast-food à midi et échanger avec eux pour le constater : la plupart viennent d’Afrique subsaharienne, du Maghreb ou du Bangladesh. Pour Uber Eats, ils roulent sept jours sur sept sans protection, parfois sur des Vélib et touchent à peine plus de 500 euros par mois via un système de sous-location de comptes. Du côté de la plateforme, la direction a longtemps nié faire travailler des livreurs sans papiers. Quand on les interrogeait sur le sujet, ils déclinaient toute responsabilité, préférant se retrancher derrière leurs «algorithmes». S’il existait des dérives, elles étaient l’unique responsabilité des autoentrepreneurs qui se plaçaient «dans l’illégalité» en sous-louant leurs comptes. Mais quand le gouvernement a finalement tapé du poing sur la table (gentiment, hein) en 2022 dans le cadre de la signature d’une charte pour lutter contre la sous-location irrégulière des comptes de livreurs, ils ont feint de découvrir le phénomène et ont déconnecté tous les comptes suspects.

Il faut écouter Mohamed, Aboubacar, Amidou et les 2 500 autres livreurs qui ont perdu leur job et manifesteront ce samedi. Ils racontent les livraisons sous la pluie la journée, les dîners aux Restos du cœur le soir et les nuits dans les foyers du 115. Ils relatent la traversée de la Méditerranée, la mort de leurs amis sur la route. Ils prennent un ton solennel quand ils parlent de la «France», la «patrie des droits de l’homme» où ils ont rêvé leur émancipation mais se retrouvent à trimer pour livrer des sushis. Certains osent prononcer le mot interdit, ils tonnent : «On est des esclaves !» Ils disent que nous, les Français, on les a applaudis quand ils livraient pendant le Covid. Et qu’on les regarde les bras ballants, avec l’envie de leur répondre «je suis désolé» plutôt que de se rebeller.

Et ce n'est pas fini...

 

 

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