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Le blog de Bernard SARLANDIE

Publié depuis Overblog

4 Novembre 2022, 10:15am

Publié par Bernardoc

Pouvoir d'achat : les salariés ont-ils perdu la partie ?


vendredi 4 novembre 2022

NOUVEL OBS.COM
(extraits)


Qui va payer la facture de l'envolée des prix ?

Entreprises, à vous de jouer ! C'est le message principal qu'a envoyé Emmanuel Macron sur France 2, mercredi 26 octobre, quand il a été interrogé sur les salaires. Le chef de l'Etat a écarté toute mesure d'indexation sur l'inflation - c'est-à-dire d'augmentation automatique des salaires, pour répondre à la hausse des prix. « Je ne veux pas être démago, a-t-il lancé. Nous ne sommes pas dans une économie administrée. Les hausses de salaire, ce n'est pas l'Etat qui les décide. [...] Sinon, on détruit des emplois. », sans pourtant susciter d'écho chez les patrons. Après trente années de quasi-stabilité, les prix ont bondi de 6,2 % en douze mois, avec des pointes
encore plus aiguës sur l'essentiel : l'alimentation et l'énergie.

Le choc hivernal est d'autant plus brutal que ni les patrons ni les syndicalistes n'avaient intégré ces données lorsqu'ils avaient négocié les dernières augmentations annuelles. Résultat : les premiers conflits sociaux ont éclaté.

Dans les raffineries, bien sûr, où les grèves ont contraint TotalEnergies à concéder 7 % d'augmentation de salaire, plus 3 000 à 6 000 euros de primes.
Dans les usines du producteur de lubrifiant Lubrizol, qui a fini par accepter 8,3 % d'augmentation. Ou encore chez le transporteur Breger, installé à Laval, où une seule journée de débrayage a suffi pour obtenir des hausses de salaire de 7 %. La situation est la même chez nos voisins européens : en Allemagne, le principal syndicat de l'industrie, IG Metall, a organisé une grève générale pour obtenir 8 % de hausse des salaires.
Sommes-nous ainsi entrés dans une nouvelle ère d'affrontements sociaux, comme dans les années 1960 et 1970, alors que la grève avait quasiment disparu dans le secteur privé ? « Nous avons besoin d'une revalorisation générale des salaires », a tonné Philippe Martinez, dans le cortège de la manifestation du 18 octobre. La colère couve : 39 % des directeurs des ressources humaines (DRH) anticipent « une dégradation des relations sociales » dans leur entreprise. Selon la Dares (la direction de la statistique du ministère du Travail), les salaires ont augmenté moitié moins vite que l'inflation : + 3,1 % au deuxième trimestre. Les richesses créées par les entreprises - et donc par les salariés - se répartissent en plusieurs parts : le paiement des salaires, la rémunération du capital, c'est-à-dire les dividendes des actionnaires et le financement de l'endettement, les investissements et les taxes. Or, la taille respective des différentes parts n'a rien d'intangible. Qui gagne et qui perd sur le temps long ?

Pour la CGT, la part des salariés a été grignotée depuis les années 1970, au profit de la rémunération des capitaux. « Cela représente 60 milliards d'euros par an, ponctionnés sur le travail pour partir vers les profits », jauge le syndicat, soit « 275 euros mensuels par salarié du secteur privé ».

L'Insee montre que la part des salaires était bien montée au cours des
années 1960 et 1970, jusqu'à atteindre 73,4 % en 1981. C'était la grande
époque des conflits sociaux : ils avaient donc bien contribué à faire pencher la balance vers les salariés. Deux ans plus tard, le gouvernement du socialiste Pierre Mauroy met fin à l'indexation des salaires sur les prix, ce qui inverse soudainement la tendance. Les dividendes s'envolent.

D'autres indicateurs éclairent l'évolution du partage de la valeur. A commencer par la courbe des dividendes versés par les grandes entreprises : 44 milliards en France, rien que pour le deuxième trimestre 2022, selon l'étude « Janus Henderson Global Dividend » [PDF]. Un montant record !

Les dividendes s'envolent parce que les profits sont au zénith grâce au retour en force de la croissance, mais aussi grâce aux milliards d'aides publiques versées pour surmonter le choc du Covid : 240 milliards d'euros en 2020 et 2021 (dont deux tiers de prêts garantis). Le gouvernement a pourtant retoqué la hausse de la taxation des bénéfices exceptionnels, une mesure adoptée par les députés à la faveur d'un amendement du MoDem.
De plus, les aides aux entreprises étaient déjà en forte progression avant la pandémie. Elles sont passées de 65 milliards par an avant 2007 à 140 milliards en 2018, notamment sous l'effet des allègements de cotisations sociales et du CICE (le crédit d'impôt compétitivité emploi) mis en place par François Hollande.

De son côté, Emmanuel Macron a multiplié les cadeaux fiscaux : réforme de l'ISF, baisse de l'impôt sur les sociétés, « flat tax » sur les dividendes...
Les sociétés du CAC 40 ont accumulé 174 milliards de profits en 2021, encore un record.

« Emmanuel Macron pense que l'économie française, ce sont les entreprises ». Alors, pour aider les salariés sans peser sur la fameuse compétitivité, le président privilégie des outils qui ne vont pas alourdir leur masse salariale : les primes, l'intéressement et la participation. Sur France 2, il a une nouvelle fois plaidé pour sa « prime Macron ». Ce dispositif permet aux entreprises qui le veulent de verser jusqu'à 3 000 euros par salarié, exonérés d'impôts et de cotisations sociales. Mais cette « prime de partage de la valeur » a reçu un surnom, cet été, lors des débats à l'Assemblée : les députés de La France insoumise l'ont rebaptisée... « prime d'enfumage ». Car il ya un hic. Ou plutôt deux.

D'abord, une prime n'entre pas dans le calcul des droits à la retraite. Ensuite, rien ne garantit qu'elle sera reconduite l'année suivante. La gauche et les syndicats militent donc pour des hausses de salaire qui, elles, seront pérennes.

Dans les usines de Stellantis (groupe Peugeot-Citroën et FiatChrysler), les débrayages ont repris en octobre, malgré l'annonce du versement d'une prime de 1 000 euros.

« On ne résoudra pas le problème de l'inflation et du pouvoir d'achat à
coups de primes. »

La question des primes fait écho à un autre phénomène affectant surtout les salariés les plus modestes. Une part croissante de leurs revenus n'est pas versée par l'employeur, mais par l'Etat : la prime d'activité représente ainsi un complément de 236 euros par mois pour une personne seule payée au smic (1 329 euros net). Non sans conséquences. « On nous présente un système qui aide les travailleurs au smic. De plus, elle n'entre pas dans le calcul du montant de l'allocation-chômage en cas de perte d'emploi. » La prime exonère aussi l'employeur d'une partie de sa responsabilité.
Car même si les salaires, pris dans leur ensemble, ne baissent pas, ils se concentrent de plus en plus sur les revenus élevés. Dans le secteur privé, les 10 % les mieux payés perçoivent à eux seuls 31 % de la masse des salaires, selon l'Insee. L'écart est encore plus spectaculaire si l'on s'intéresse aux plus riches : le 1 % le mieux payé concentre 8 % du gâteau, contre 7 % en 1998.

Si le sort des travailleurs modestes est préoccupant, c'est aussi parce qu'ils devront encaisser les effets de la transition énergétique. « L'énergie représente déjà 20 % de leurs dépenses. Si les prix doublent ou triplent, ils ne pourront pas faire face, d'autant plus que l'alimentation se renchérit et que le logement a pris 8 % ». « On a répondu par des subventions publiques, mais ce ne sont pas des solutions pérennes. Le sujet du pouvoir d'achat des plus modestes n'est pas traité.

Et ce n'est pas fini...

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