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Le blog de Bernard SARLANDIE

Concours enseignants : un sujet test qui inquiète

25 Juin 2024, 12:04pm

Publié par Bernardoc

In Le Monde du 25 juin 2024 (extraits)

Dans certaines disciplines, les exercices élaborés au ministère de l’éducation nationale ont stupéfié les formateurs qui préparent les étudiants au CRPE ainsi que plusieurs représentants syndicaux, au point que plusieurs confient avoir cru à un « canular ». C’est notamment le cas en mathématiques ou en histoire-géographie, où les questions consistant à classer des nombres par ordre croissant ou des événements par ordre chronologique (sans les dater), ainsi que celles sous forme de questionnaires à choix multiples, ont interpellé par leur apparente facilité. L’indignation naît cependant moins du niveau de connaissances requis que du format des exercices.

« L’actuel CRPE s’appuie sur des notions exigées au brevet, mais on demande aux étudiants de faire preuve de davantage de recul, de chercher, de conduire des raisonnements, explique Laure ETEVEZ, formatrice en mathématiques à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspé) Centre-Val de Loire. Là, il n’y a que de l’application directe, des questions très mécaniques, presque pas de rédaction. » Selon cette professeure, qui se dit « affligée », l’épreuve proposée n’est ainsi « même pas du niveau brevet », et le positionnement du concours deux ans plus tôt ne peut constituer une explication suffisante : « Après un bac + 3, on peut quand même espérer que des étudiants fassent plus que ça ! »

Même sentiment sur l’histoire-géographie, incluse dans une épreuve de polyvalence où sont évaluées quatre autres disciplines (arts, éducation physique et sportive, sciences et technologies, et langues). Les exercices proposés consistent essentiellement à donner des définitions, et la principale question supposant un développement attend une réponse de « 5 lignes »« Le décalage est énorme entre l’ambition qu’on prête à cet enseignement, qui doit participer à la formation d’un citoyen éclairé, et cette épreuve qui consiste juste à vérifier que le candidat maîtrise un ­savoir minimal sans aucune rédaction », déplore Marie BOULOGNE, formatrice à l’Inspé d’Amiens, pour qui cette épreuve ne cherche pas à garantir « l’autonomie intellectuelle » des futurs enseignants.

Dans les autres disciplines évaluées, le ministère souligne que « l’on attend des candidats une maîtrise d’un grand volume de savoirs dans un grand nombre de champs  »« Répondre à un QCM n’est pas juste cocher une case, mais nécessite un raisonnement et parfois son élaboration à l’écrit ; formuler une réponse courte mais solide et dans un français parfait requiert une maîtrise du contenu et une faculté d’analyse suffisamment poussée », fait-on valoir.

L’émoi suscité par ce « sujet 0 » est d’autant plus notable que le positionnement du concours de professeur des écoles à bac + 3 ne souffre aucune contestation parmi les représentants de la profession, qui plaident tous depuis des années pour cette disposition. A une condition toutefois : que les épreuves de recrutement conservent leur exigence. « L’objectif premier du gouvernement est d’attirer les candidats parce que c’est une urgence, mais ce n’est pas parce qu’on passe le concours en licence qu’on doit abaisser le niveau », s’insurge Guislaine DAVID, à la tête du premier syndicat du primaire, le Snuipp-FSU.

Pour elle, « les “sujets 0” dénotent une vision du professeur du premier degré qui est complètement erronée ». L’image d’un corps d’enseignants dont le travail serait plus « facile » que celui de leurs homologues du second degré, et à qui il suffirait « d’appliquer les bonnes consignes selon les bonnes méthodes établies par des programmes officiels détaillés ». Une crainte redoublée par la toute récente refonte des programmes de primaire, dénoncés par une large majorité de syndicats comme portant « une vision mécaniciste, simpliste » et réduisant les enseignants à « de simples exécutants ».

« Tout cela traduit une négation totale de l’expertise et de la professionnalité des enseignants du premier degré », dénonce la secrétaire générale du Snuipp-FSU. Un débat qui vient rappeler que, derrière ses atours technocratiques, cette réforme engage une question bien plus philosophique et politique : celle des compétences attendues pour exercer aujour­d’hui le métier de professeur des écoles, et donc du rôle que la société leur assigne.

Et ce n’est pas fini...

 

 

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