Education : Genetet et Hetzel, la novice et le réac
In Libération du 23 septembre 2024
La nouvelle ministre de l’Education nationale va-t-elle s’affranchir des sujets portés par son prédécesseur, Gabriel Attal ? Ce n’est pas ce que laisse présager le catapultage de la députée des Français de l’étranger, Anne Genetet, rue de Grenelle, en remplacement de Nicole Belloubet. Une nomination surprise, cette macroniste inconnue du grand public et des enseignants s’étant investie au cours de ses mandats sur les questions de diplomatie et de défense. A peine le remaniement annoncé, les syndicats enseignants sont montés au front, fustigeant «une erreur de casting», et y voyant la marque d’un «mépris» à l’égard de l’éducation nationale, réduite au rôle de «variable d’ajustement».
Les représentants des enseignants ont interprété son arrivée comme le résultat d’un «marchandage politique», signe d’une volonté de l’exécutif de garder la main sur le dossier. Secrétaire générale de la FSU-Snuipp, Guislaine David a déploré la nomination d’un «clone de Gabriel Attal», dont la nouvelle ministre est proche, «pour continuer la politique engagée», contestée par les enseignants. Les acteurs du secteur craignent le faible poids politique de cette médecin de formation, ancienne consultante à Singapour, qui n’a jamais manifesté d’intérêt particulier pour les questions d’éducation. Dans la foulée de sa nomination, la ministre a tenté, sans grand succès, de rassurer, indiquant notamment vouloir «travailler sur la dévalorisation du métier et la solitude des enseignants».
Anne Genetet est la cinquième ministre à prendre la tête de la rue de Grenelle en l’espace d’un peu plus de deux ans. Une valse qui s’accompagne de réformes à tout-va. Dernière en date, celle du «choc des savoirs» dont s’est emparé Gabriel Attal en décembre 2023. Censée relever le niveau des élèves, la réforme, que la nouvelle ministre avait publiquement soutenu, peine à se mettre en place. Les groupes de niveaux en français et en maths au collège ? Un échec. Rebaptisés «groupes de besoins» par Nicole Belloubet pour plus de souplesse, le dispositif censé s’appliquer d’abord aux sixièmes et aux cinquièmes a clairement du mal à voir le jour dans la majorité des établissements. La modification du brevet prévue cette année ? Reportée à 2026 à cause de l’attente de la nomination du gouvernement. Les classes «prépa seconde», passerelles entre la troisième et la seconde pour les élèves ayant échoué au brevet ? Ouvertes aux élèves volontaires dans une centaine de lycées, ces classes peinent à se remplir.
Au sein de son ministère, Anne Genetet devra composer avec Alexandre Portier, député LR du Rhône, nommé ministre délégué chargé de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel, un portefeuille inédit. Ce nouveau découpage suscite la perplexité des professionnels : «Que signifie isoler la réussite scolaire du reste de la politique éducative avec un ministre délégué ? Réussir à l’école ne serait plus un projet global de la ministre de l’Education nationale ?» a ainsi interrogé Jérôme Fournier, secrétaire national du syndicat SE-Unsa.
Membre du Conseil supérieur des programmes, Portier s’est montré particulièrement impliqué ces dernières années sur les questions éducatives. A l’initiative d’une proposition de loi sur la formation des enseignants et d’une mission d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap, ce proche de Laurent Wauquiez avait pris la défense de l’enseignement privé lors des polémiques du début d’année.
Le binôme est attendu au tournant, alors que la profession réclame une orientation claire et plus de moyens, dans un contexte de crise d’attractivité du métier et d’une défiance inédite à l’égard du pouvoir. Les personnels ont déjà prévu de se mettre en grève mardi 1er octobre, notamment contre la réforme du choc des savoirs, et pour réclamer des revalorisations salariales.
Profs de facs et étudiants s’inquiètent, eux, de la nomination du droitier député LR Patrick Hetzel au poste de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce proche de François Fillon, défenseur de positions conservatrices sur le mariage pour tous, la PMA et l’IVG, est l’un des artisans de la très controversée loi LRU sur l’autonomie des universités, jugée responsable du sous-financement du supérieur. Un «coup de grâce» pour l’Unef, qui anticipe déjà «de nombreuses attaques libérales» sur les facs.
Et ce n’est pas fini...