Camp de Thiaroye
TRIBUNE COLLECTIVE - Il est temps que le massacre de Thiaroye soit officiellement reconnu par la France quatre-vingt ans après ce drame colonial, alors que pour la première fois dans l’histoire militaire, la mention « Mort pour la France » est attribuée par l’État à des soldats morts suite à une exécution extrajudiciaire commise par ses propres services.
Au-delà du discours au Sénégal de l’ancien président François Hollande, le 30 novembre 2014, qui reconnaît, pour la première fois, « la répression sanglante » menée par l’armée française, il faut que cette reconnaissance produise des effets juridiques, politiques et géopolitiques comme la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le drame de 1944, l’ouverture d’un procès de révision pour les Tirailleurs et un travail conjoint d’analyse et d’actions avec les pays africains concernés par cette histoire.
J’ai signé cette tribune et aujourd’hui je suis allé voir le film de SEMBENE Ousmane consacré au Camp de Thiaroye. Je pense avoir tout lu de cet auteur sénégalais que j’ai découvert il y a presque cinquante ans car il était au programme de français des lycéens ghanéens, mais j’avais peut-être vu un seul film tiré d’un de ses livres : Le mandat.
Ce film réalisé en 1988 a été interdit en France à l’époque, et il a fait une renaissance au festival de Cannes cette année. Aujourd’hui, 1er décembre, c’est le 80ème anniversaire de ce massacre.
Un film poignant, qui vous prend aux tripes en affichant le mépris des officiers français – blancs - pour les troupes africaines – noires. Seule exception : un officier français qui les encadre et les défend. Dès le début du film on le ressent lorsqu’il dit que, si ses hommes ont de beaux uniformes, c’est parce que les troupes américaines les leur ont fournis pour remplacer leurs loques. Il s’étonne aussi de voir que les logements ressemblent fortement aux stalags des camps allemands d’où ils ont été délivrés. C’est aussi pour cela que les soldats sont étonnés de voir que le camp est entouré de barbelés.
J’ignore si le sous-officier africain lettré, marié à une Française, a réellement existé ou s’il est là pour illustrer le propos personnel de Sembène, qui malgré ses tentatives n’a jamais réussi à faire la synthèse entre l’Europe et l’Afrique.
On se rend compte également que les tirailleurs sénégalais étaient multiples et ils s’apostrophaient en utilisant le nom de leurs pays respectifs.
Ce film est bouleversant et la dramatique fin montre ce que vaut la « parole d’honneur » d’un officier général.
Merci à Mémoires et Partages d’avoir contribué à ouvrir la voie vers la reconnaissance officielle de ce massacre, qui n’est pas sans rappeler celui des fusillés pour l’exemple de la précédente guerre mondiale.
Et ce n’est pas fini...