Dès que je fus devenu personnel de direction, j’ai eu envie de participer à différents programmes européens. J’avais plusieurs critères de choix : ils ne devaient pas se dérouler pendant les vacances, ils devaient être organisés dans un pays (ou une région) que je ne connaissais pas et une des langues de travail devait être l’anglais, que j’avais de moins en moins l’occasion de pratiquer.
Parallèlement, je proposais d’accueillir chaque année des « assistants Comenius ». Successivement, il y a eu une Espagnole, puis une Italienne, une Hongroise et une Grecque ; même une Portugaise est venue faire quelques heures à Langevin.
Ma première expérience fut un stage à Evora, au Portugal. J’y découvris que les Portugais de ma génération préféraient parler le français plutôt que l’anglais, et je dus servir d’interprète plusieurs fois. C’est dès ce moment-là que je décidai d’inscrire dans chacun de mes rapports : « Si tous les participants suivaient pendant six mois avant le stage deux heures de cours d’esperanto par semaine, la compréhension serait largement suffisante pour permettre d’échanger sans passer par le truchement d’un traducteur ». Une grosse surprise, dans un coin perdu près de la frontière espagnole, je fus accueilli par un parent d’élève en tahitien : c’était un ancien de la légion étrangère qui avait épousé une Marquisienne et qui était rentré au pays avec sa famille à la fin de son contrat.
Je participais aussi à un stage assez long à Weimar, en Allemagne. Là, il y avait deux langues de travail : le français et l’anglais. L’équipe organisatrice avait embauché une prof de langues à la retraite pendant trois jours. Comme tout le monde n’était pas devenu bilingue, on me sollicita pour lui succéder. Je n’avais jamais fait ce genre de boulot, et je dois dire que je ne me souviens pas avoir jamais été aussi attentif lors d’un stage. Ma prestation a plu, puisque je fus sollicité pour faire partie de l’équipe lors du deuxième stage six mois plus tard. Je profitai de ce stage pour monter un projet avec une collègue de Pologne et un collègue de Madère…Et c’est cette année-là, après avoir obtenu une entrevue au ministère, que j’ai enfin eu ma mutation. La Pologne, Madère, ce n’aura pas été pour moi, mais le projet que j’avais initié à Goya a vécu pendant une demi-douzaine d’années. C’est à Weimar que j’ai découvert l’opéra : Don Giovanni. Je m’étais sapé, comme j’aurais pu le faire en France, et je me suis rendu compte que jeans et baskets convenaient parfaitement. Weimar, c’est aussi la ville de Buchenwald, et en visitant le camp de concentration en ce mois de janvier, après avoir longé la rue Marcel PAUL, vu la plaque « Henri KRASUCKI », alors qu’il m’était impossible de parler tant la pression émotionnelle était forte, résonnait dans ma tête la chanson de Jean FERRAT (qui vient de mourir samedi dernier) Nuit et Brouillard.
Autre visite « Arion » : Iglésias, au sud de la Sardaigne, organisée par des francophones, pour une majorité de francophones, mais avec nécessité de traduire en anglais (qui était censé être la langue de travail) la plupart des interventions effectuées en français ou en italien. Mais cette fois-ci, ils se sont passés de moi. Une merde à l’aéroport à Paris m’a donné le plaisir de revoir James qui a accepté de m’héberger pour une nuit. Suite à ce séjour, le collège Paul Langevin a reçu Paul, le Proviseur d’un lycée slovaque pour mettre en place un échange Comenius avec l’Italie comme troisième partenaire. Et bien, la Slovaquie, qui avait accordé une bourse de mille euros à ce collègue pour venir en France mettre en place le projet, a été le seul des trois pays à le refuser ensuite ! C’était décidément du grand n’importe quoi !
Je voulais repartir une dernière fois et je remplis donc un dossier de la même façon que j’avais remplis tous les autres. Et deux « donneurs d’avis » ont refusé mon dossier en des termes insultants. Je n’ai pas tendu l’autre joue, mais j’ai envoyé un courriel qui, paraît-il, a circulé à l’agence Socrate, dont une employée m’a fait dire que cela faisait du bien de voir que tout le monde ne se mettait pas à plat ventre devant les bureaucrates éducatifs européens.
Arrivé à Zola, j’ai proposé aux collègues de se lancer dans de tels projets, mais comme j’étais en froid avec Socrates, je leur ai dit que je les aiderais, mais que je ne serai pas l’initiateur. Donc, il ne s’est rien passé.
Et ce n’est pas fini…