In Le Monde du 22 décembre 2012 (extraits)
Un collectif de plus de 5 000 médecins, soignants et agents hospitaliers s’adresse au président de la République, Emmanuel Macron,et présente « quatre propositions concrètes pour sauver l’hôpital public »
Les pouvoirs publics, à commencer par le chef de l’État lui-même, doivent avoir conscience que l’hôpital public est en train de se fissurer et bientôt de s’écrouler. Aujourd’hui, il s’agit ni plus ni moins d’empêcher que l’hôpital public ne redevienne l’hospice du XIXe siècle. Les alertes ont été nombreuses et notamment la démission de leurs fonctions administratives de plus de 1 000 chefs de service en janvier 2020. Depuis, il y a eu le Covid-19 et l’hôpital s’est organisé et a fait face.
Le Ségur de la santé, en juillet 2021, a suscité de grands espoirs, mais n’a rien réglé. Les 19 milliards d’euros attribués à cette occasion sont prévus sur dix ans, alors que depuis quinze ans l’hôpital public doit subir plusieurs milliards d’économies chaque année. La fuite massive des soignants de l’hôpital se poursuit, malgré la revalorisation financière qui a permis de faire passer le salaire des infirmières de la 27e place, sur vingt-neuf des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, à tout juste la moyenne de ces pays. Près de 20 % des lits sont fermés par manque d’effectifs. L’hôpital public n’est plus capable d’amortir la moindre crise sanitaire, même si elle est prévisible, comme la chaleur en été et la bronchiolite en hiver. La priorité est d’agir sur les conditions de travail. Nous renouvelons avec force quatre propositions concrètes pour sauver l’hôpital public, qu’il est possible de mettre en œuvre très rapidement.
Premièrement, la sécurisation des soignants dans un service défini avec un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmière.
Pour appliquer ces ratios, il est nécessaire d’embaucher environ 100 000 infirmières.
Ensuite, la poursuite de la revalorisation financière amorcée par le Ségur.
Puis : un vrai changement de gouvernance. Chaque service doit être libre de proposer son organisation, ses horaires de travail et doit pouvoir gérer le recrutement de son personnel avec les ratios indiqués plus haut.
Enfin, un changement du mode de financement s’impose. Tant que le financement de l’hôpital sera essentiellement basé sur la tarification à l’activité, la prime à la rentabilité de chaque séjour perdurera avec son côté inflationniste et dévastateur sur les conditions de travail.
Les mesures déjà prises à l’initiative du président de la République sont loin d’être négligeables, mais elles ont été insuffisantes pour corriger quinze ans de restrictions. Dix-huit mois après le Ségur de la santé, la situation s’est encore aggravée et la confiance des soignants s’est profondément dégradée. L’hôpital public est le socle commun indispensable auquel tous les citoyens sont attachés. Le système hospitalier français était à la fin du XXe siècle un des fleurons de notre pays permettant un égal accès à des soins de qualité à chacun, quels que soient ses revenus et sa condition. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La triple épidémie actuelle de Covid-19, de grippe et de bronchiolite épuise son personnel et amène à annuler ou à repousser beaucoup d’autres soins, ce qui entraîne des pertes de chances importantes pour beaucoup de malades.
Face à cette dégradation sans précédent de notre système hospitalier, l’engagement et l’action du chef de l’État, qui a si bien qualifié l’hôpital public de « trésor de la République », sont devenus indispensables. Il y a urgence.
par Un Collectif De Plus De 5000 Médecins, Soignants et Agents Hospitaliers
Et ce n'est pas fini...