Née le 24 mars 1805 à Sorèze (Tarn), morte le 5 juin 1865 à Paris. Initiatrice de l’enseignement professionnel féminin.
Pendant que les frères ainés suivaient les cours du collège, Élisa, en compagnie de son jeune frère Émile, fréquentait les classes élémentaires et mixtes d’un pensionnat de demoiselles où l’on enseignait non seulement la lecture, l’écriture et la grammaire, mais un peu d’arithmétique, un peu de géographie, un peu d’histoire, un peu de dessin
De vieille souche protestante, Élisa GRIMAILH rencontra le jeune professeur Charles LEMONNIER, en 1827. Elle l'épousa en 1831.
Élisa suivit ensuite son mari à Bordeaux où il allait exercer sa seconde profession, celle d’avocat. C’est dans cette ville qu’en 1844, le couple recueillit Flora TRISTAN, qui, malade et épuisée par sa propagande en faveur de l’Union ouvrière, mourut à leur domicile. Élisa revint avec Charles à Paris lorsqu’il fut nommé d’abord directeur du contentieux de la Compagnie du chemin de fer du Nord, puis secrétaire du Crédit mobilier.
En 1848, Élisa LEMONNIER, s’intéressa aux ateliers féminins créés pour combattre le chômage et créa elle-même un atelier de couture, qui fit vivre 200 mères de famille pendant deux mois. En juin 1848, elle publia les statuts de l’Union fraternelle des travailleuses, organisation qu’elle venait de créer avec douze autres militantes féministes. Sa formule préférée, qu’elle ne se lassait pas de répéter aux femmes était : « N’attendez pas que les hommes agissent pour vous ; agissez donc vous-mêmes, et quand ils vous verront à l’œuvre, ils commenceront à vous prendre au sérieux. »
Constatant que certaines manquent de notions élémentaires de couture, elle décide de se consacrer à l’éducation professionnelle des jeunes filles.
En 1856, Élisa LEMONNIER créa une Société de Protection maternelle (devenant en 1862 Société pour l’enseignement professionnel des femmes).
En 1862, avec l’appui notamment des frères Péreire (Arcachon), elle ouvrit à Paris, rue de la Perle, le premier cours d’enseignement professionnel féminin. Il fallut bientôt trouver de plus vastes locaux, rue du Val-Sainte-Catherine.
Le cours d’Élisa LEMONNIER était un externat, bon marché et laïque, qui accueillait les élèves de 8 à 18 heures. Protestante, Élisa n'a jamais caché sa foi, mais cette exigence de laïcité correspond d'abord, pour elle, à une attitude de respect et de tolérance à l'égard de toutes les confessions. Elle considère que c'est au sein des familles, non dans les écoles, que doit éventuellement s'enseigner et se cultiver la foi religieuse. Élisa prépare elle-même les programmes et fixe les rythmes scolaires. Les élèves sont issues de la petite bourgeoisie et de la classe ouvrière aisée. La scolarité s'étale sur trois ans ; les familles participent au financement de l'école à raison de douze francs par mois et par jeune fille inscrite. Des bourses peuvent être accordées aux élèves, leurs montants calculés en fonction des ressources familiales. On y donnait un enseignement général (français, histoire, géographie, arithmétique, physique et chimie, dessin, écriture et hygiène), un enseignement professionnel commun (travaux ordinaires des ménagères) le matin, et un enseignement spécialisé ou plutôt six enseignements spécialisés : couture, lingerie, dessin sur étoffe, gravure, commerce (tenue des livres de comptes, droit civil et commercial, anglais), peinture sur porcelaine, l'après-midi. Après examen de sortie, les anciennes élèves étaient placées par le cours lui-même qui avait plus de demandes d’emploi que d’offres à proposer.
500 jeunes filles suivent ses enseignements et il fallut donc ouvrir une seconde école, rue Rochechouart (métro).
Le nouvel enseignement répondait si bien à l'une des nécessités de l'ordre social contemporain que l'exemple fut suivi ; à l'étranger, d'abord en Suisse, en Belgique, en Italie. Plusieurs municipalités françaises ouvrirent, dans quelques grandes villes de province, des écoles professionnelles de jeunes filles. L'Exposition universelle de 1878, où les écoles Élisa LEMONNIER obtinrent une médaille d'or, mit au jour nombre de tentatives heureuses, nombre d'efforts consciencieux, et la loi sur les écoles manuelles d'apprentissage, promulguée le 11 décembre 1880, vint enfin pourvoir officiellement à l'organisation de ce nouveau degré de l'enseignement...
Mais le budget des deux écoles imposait à la Société une charge financière des plus lourdes ; certaines des ressources qui lui permettaient de la supporter vinrent à s'affaiblir, et l'alternative de laisser péricliter des établissements en pleine prospérité, ou de les remettre en des mains qui pussent assurer leur avenir, se posa devant le conseil d'administration. La cession des écoles à la ville de Paris fut résolue, et elle se réalisa au 1" octobre 1906. L'une d'elles, celle de la rue Duperré, est devenue une école spéciale d'art appliqué à l'industrie ; celle de la rue des Boulets a conservé son organisation et ses programmes. Les deux écoles gardent le nom d'écoles Elisa LEMONNIER. Élisa LEMONNIER aura préfiguré le combat victorieux des républicains pour la laïcité de l'enseignement public.
Et ce n'est pas fini...