Pourquoi il faut défendre la laïcité
« L’Église chez elle et l’État chez lui »*
Un bel article trouvé dans Le livre bordelais n°82 (bulletin des retraités de la Filpac).
En préambule je dirai : on peut être un citoyen croyant, mais pas un croyant citoyen.
Si la laïcité est un principe constitutionnel français, elle n’est pas pour autant strictement définie.
Cependant, elle s’exprime par des règles fondamentales que sont la séparation des églises et de l’État, la liberté de conscience et de culte et l’égalité des citoyens devant la loi, peu importent leurs croyances ou leurs convictions.
La séparation des églises et de l’État implique la neutralité des agents du service public (service public qui est rendu de la même façon à tous les usagers sans aucune discrimination). L’application de ces règles permet la
liberté et l’égalité du citoyen.
De même, la société évite l’effet pervers du communautarisme. Par sa neutralité dans le service public et sa tolérance dans la sphère privée, la laïcité est indubitablement un facteur d’émancipation.
NEUTRALITÉ ABSOLUE
C’est dans cette optique que la loi a imposé la neutralité à une catégorie d’usagers du service public : les élèves des écoles, collèges et lycées. L’acceptation d’une neutralité absolue dans les affaires relevant de la chose publique (la res publica), d’une liberté limitée dans le secteur privé (par le bon fonctionnement de l’entreprise) et d’une liberté quasi absolue dans la sphère strictement privée (sauf à commettre un délit) permet d’assurer une cohésion sociale efficace.
Pour que la laïcité puisse s’appliquer ainsi, il y a une condition sine qua non, qui consiste à accepter que la loi soit une norme supérieure à tout précepte religieux. Et cela n’a pas pour but de brimer le sentiment religieux, ni d’empêcher les cultes de s’exercer.
Notons que les instances judiciaires européennes (CEDH et CJUE) apportent aussi leurs pierres à la construction juridique de la laïcité; la tendance est à reconnaître que la laïcité dans les textes français, comme l’interdiction de porter un signe ostensiblement religieux à l’école (loi du 15 mars 2004) n’est pas contraire aux libertés fondamentales de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
La laïcité a donc une importance fondamentale pour la création d’un citoyen éclairé appartenant à une société épanouie.
Elle est en vérité un bien commun appartenant aussi bien à ceux qui croient en un dieu et pratiquent un culte qu’à ceux qui n’y croient pas. La société laïque permet l’acceptation de tous. Mais il faut jouer le jeu, comme aurait dit Félix ÉBOUE.
Comment se fait-il que nos concitoyens, nos politiques, dans leur grande majorité, soient aussi peu nombreux à spontanément mettre en avant leurs convictions en matière de laïcité ?
FISCALITÉ ET FINANCEMENT
La fiscalité ne doit reconnaître que ce qui est d'intérêt commun. Le financement indirect des religions par l'exonération fiscale des dons au denier du culte porte atteinte au principe de séparation.
L'hypothèse d'un « don spiritualité » déductible des impôts (comme le proposait le Rapport Baroin) est une réintroduction détournée du financement des cultes, abandonné en 1905.
Le financement des lieux de culte doit rester une affaire privée. L'exemple de la cathédrale d'Evry et du Musée d'art chrétien est une infraction à ce principe, et il ne saurait faire jurisprudence.
La décentralisation ne peut donner lieu à un transfert de charges sociales des écoles privées à l'État.
Le plafonnement des fonds versés aux écoles privées, tel qu'il était prévu par la Loi Falloux, ne saurait être remis en question, sauf provocation à l'égard des défenseurs de la laïcité.
Les glissements trop fréquents de culturel à cultuel ressortissent à une conception communautariste : ils font d'un particularisme religieux un
critère d'identification culturel, comme si le cultuel et le culturel étaient intimement mêlés et inséparables.
Conception dangereuse de la culture, car elle en dénie le caractère libre.
Du religieux comme essence de la culture au fanatisme politico-religieux au nom de l'identité culturelle, il n'y a qu'un pas.
La laïcité c'est la liberté d'opinion de chacun.
La laïcité c'est l'égalité dans la sphère publique de chacun.
La laïcité c'est la fraternité sur le vivre ensemble.
La laïcité c'est l'égalité de tous devant la loi.
C'est une notion qui procure des droits et des obligations, qui sert à réunir les hommes dans un même idéal : celui de vivre en bonne intelligence dans la paix, la liberté et l'égalité.
Qui pourrait douter de cette nécessité au sein de notre République ?
Jean-Luc VALEGEAS
* Victor Hugo. Discours du 14 janvier 1850 à l’Assemblée Nationale
Et ce n’est pas fini...