SECRETS D’ARCHIVES
Merci à Sud ouest du 17 août 2024 pour cette magistrale leçon de géographie.
Souvent issus du gaulois ou du latin, les noms de nos cours d’eau ont parfois des origines encore plus anciennes… et plus d’une explication. C’est le cas de la rivière (ou du fleuve ?) qui a donné son nom au département qu’elle traverse.
Née de la confluence de deux torrents, la Dore (1 680 mètres d’altitude) et la Dogne (1 640 mètres) à 1 370 mètres d’altitude, la Dordogne, longue de 483 km, prend sa source dans le Massif central, dans la chaîne des monts Dore, sur l’une de ses plus hautes montagnes : le Puy de Sancy.
Contrairement aux idées reçues, le nom de la Dordogne, « Dordonha » en occitan, n’est pas un néologisme dérivant des noms de la Dore et de la Dogne. Son nom vient de la racine pré-celtique « dur- », signifiant « eaux tumultueuses, eaux imprévisibles ». Dans sa forme première, le cours d’eau s’appelait « duranius » puis deviendra « duranus » à l’époque romaine. Les formes médiévales adoptent un suffixe redoublé – ononia : « Dorononia fluvius » (VIe siècle), « Dornonia » (VIIe siècle) qui évolue en « Dordonia » (IXe siècle) par un phénomène de dissimilation, donnant ainsi l’impression d’une étymologie Dore-Dogne. Aimoin de Fleury est le premier auteur connu à utiliser le nom « Dordonia », au Moyen Âge.
C’est au XIXe siècle qu’elle devient finalement « Dordogne ». C’est également à cette époque, sous Jules Ferry (1832-1893) plus précisément, que l’on fracturera le mot « Dordogne » en deux pour nommer les deux torrents de la réunion desquels elle est issue…
Rivière ou fleuve ? Voici une question qui a fait débat ! Après avoir parcouru six départements au travers du Massif central et du Bassin aquitain, la Dordogne conflue avec la Garonne pour former l’estuaire de la Gironde, qui débouche sur l’océan Atlantique. Voilà pourquoi, pendant longtemps, la Dordogne a été considérée comme une rivière dans les dictionnaires et encyclopédies ainsi que par le Sandre. Toutefois, certains organismes régionaux comme le Comité de Bassin Adour-Garonne ou l’Établissement public territorial du bassin de la Dordogne (Épidor), considérant que la Gironde est un estuaire commun à la Garonne et à la Dordogne, qualifient la Dordogne de fleuve, ce qui en ferait le cinquième plus long fleuve de la France métropolitaine.
Le fait que la Dordogne soit soumise au mascaret, et ce jusqu’à Castillon-la-Bataille, plaide notamment grandement en la faveur de l’appellation « fleuve », au détriment de « rivière ».
La Dordogne, qui arrose six départements (le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Corrèze, le Lot, la Dordogne et la Gironde, d’amont en aval) et dont le bassin-versant s’étend à cinq autres (la Creuse, la Haute-Vienne, le Lot-et-Garonne, la Charente et la Charente-Maritime) est entrée au patrimoine mondial de l’Unesco en 2012 comme « réserve naturelle de biosphère ». De ses sources jusqu’à l’estuaire, c’est tout son bassin-versant qui est protégé, soit près de 24 000 km², ce qui en fait le plus grand territoire naturel protégé de France. 39 espèces de poissons sont répertoriées dans ses eaux, des sédentaires, comme les brochets, sandres, truites, perches, brèmes, chevaines, ablettes, goujons et autres silures, mais aussi des migrateurs : saumons, truites de mer, esturgeons, lamproies, anguilles…
La Dordogne est jumelée avec la rivière Jacques-Cartier, au Québec, depuis 1985.
Et ce n’est pas fini...