Portrait-robot des Français de 65 ans
par Julie De La Brosse, Jeanne Ferney, Emmanuelle Réju Et Nicolas Senèze
in La Croix du 5 octobre 2022 (extraits)
Le gouvernement envisage de décaler l’âge minimum de départ à la retraite à 65 ans.
Quel est l’état de santé des Français à cet âge ? Leur espérance de vie ? Combien sont-ils, d’ores et déjà, à travailler encore ? Portrait-robot des quelque 800 000 Français de 65 ans.
Quel bilan de santé ?
65 ans, c’est l’un des trois âges « clés » choisis par le ministère de la santé et de la prévention pour offrir aux Françaises et Français une consultation médicale gratuite. À raison, selon le docteur Bertrand Fougère, professeur de gériatrie et de gérontologie au CHRU de Tours. « C’est le moment où arrivent les premières pathologies, les premières comorbidités, les premiers décès d’amis du même âge… »
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les statistiques ne sont pas très réjouissantes. En France, la moitié des cas de cancer survient après 65 ans. La prévalence des maladies chroniques augmente, elle aussi.Première pathologie chronique en France, l’hypertension artérielle touche environ 65 % des personnes âgées de cet âge et au-delà. 65 ans, c’est aussi l’âge moyen des personnes diabétiques en France, selon Santé publique France. « Et 80 % des gens qui ont une insuffisance cardiaque ont plus de 65 ans », ajoute Bertrand Fougère.
Quant aux accidents vasculaires cérébraux, ils touchent des plus de 65 ans dans trois cas sur quatre. N’en jetez plus !
Reste que le tournant des 65 ans marque l’apparition de la première « incapacité ». « Cela ne veut pas dire qu’on est en chaise roulante, mais que l’on peut commencer à avoir besoin d’aide dans certains actes de la vie quotidienne : mettre ses chaussures, faire sa déclaration d’impôt sur Internet… », explique Bertrand Fougère.
Le tableau n’est cependant pas si noir qu’il n’y paraît. « Moins de 10 % des 65-74 sont en perte d’autonomie...C’est plus tard que les choses se compliquent, à partir de 75 ans et au-delà, où la perte d’autonomie atteint 30 % », indique le spécialiste.
Quelle espérance de vie ?
Ces questions de santé se répercutent sur l’espérance de vie. L’Insee calcule en effet l’espérance de vie des Français à 65 ans, qui est de 23,2 ans pour les femmes et 19,1 ans pour les hommes. Des chiffres qui stagnent depuis 2014, après être fortement remontés depuis les années 1990.
Mais si on regarde l’espérance de vie sans incapacité, les chiffres sont nettement moins bons : 12,1 ans pour les femmes et 10,6 ans pour les hommes. Aussi, si la France est en tête des pays de l’Union européenne pour l’espérance de vie à 65 ans, elle ne figure qu’en septième position pour celle sans incapacité pour les femmes, et en neuvième position pour les hommes. Les chiffres s’améliorent toutefois : « Entre 2008 et 2020, l’espérance de vie sans incapacité à 65ans a crû plus vite que l’espérance de vie », note l’Insee.
Ce sont les disparités sociales qui jouent le plus sur le temps restant à vivre au-delà de 65 ans.« On a plus de chances de décéder à 65 ans parce qu’on est pauvre que parce qu’on a du diabète ou de l’hypertension. »
En 2021, le quotidien Libération avait publié un graphique soulignant que 30 % des plus pauvres étaient déjà morts à 65 ans, contre moins de 10 % des plus riches.
« Si, en moyenne, la durée de retraite en France est de vingt ans, on s’aperçoit que, pour ces hommes pauvres, elle ne sera que de seize ans et demi, note-t-il. Et même parmi eux, il y a de fortes disparités : 10 % n’arriveront pas à l’âge de la retraite, 20 % n’auront que cinq ans de retraite, et 30 %, moins de dix ans. » Ce qui signifie qu’un quart des hommes les plus pauvres ne peut espérer une retraite supérieure à dix ans, ne restant ainsi que peu longtemps dans les statistiques des plus de 65 ans…
« Pour eux, deux ou trois ans de plus avant de partir à la retraite, soit deux ou trois ans de retraite en moins, c’est considérable, commente Ulysse Lojkine. Et on ne parle pas d’un phénomène marginal, mais de millions d’hommes ! »
Qui travaille encore ?
À 65 ans, 10 % des Français travaillent encore, une proportion repartie à la hausse depuis une dizaine d’années, du fait des réformes successives touchant le régime de retraite.
La configuration familiale joue un rôle particulier dans le travail des femmes entre 65 et 74 ans : près de la moitié des femmes actives à ces âges sont seules ou à la tête d’une famille monoparentale, contre un peu plus d’un tiers quand elles sont inactives.
La part des personnes non retraitées désirant ne partir à la retraite qu’à 65 ans ou plus tard s’est stabilisée autour de 13 %, selon le baromètre d’opinion réalisé chaque année par la Direction de la recherche des ministères sociaux (la Drees). C’est peu, mais c’est quand même le double qu’en 2000.
Enfin, les personnes de 65 ans et plus qui sont actuellement à la retraite ne sont pas inactives pour autant, en témoigne l’importance du bénévolat dans cette tranche d’âge. C’est parmi les 65 ans et plus que le taux d’engagement associatif est le plus élevé, à 31 %. Une proportion qui a baissé cependant depuis 2016, où elle s’affichait à 35 %.
France Bénévolat y voit plusieurs raisons : le relèvement progressif de l’âge réel de départ à la retraite, des difficultés croissantes en fin de carrière « qui engendrent le besoin de souffler » et la nécessité de se consacrer à sa famille.
Quel est leur niveau de vie ?
À 65 ans, le revenu des ménages est pour l’instant moins élevé qu’à 45 ans, puisque à cet âge 90 % des Français sont déjà à la retraite, et perçoivent donc des revenus inférieurs à leur ancien salaire.
Outre les prestations de retraite, les revenus des 65 ans sont ainsi composés à 18 % des revenus de leur patrimoine (contre 9,5 % pour l’ensemble de la population) et à 2 % seulement de prestations sociales (contre 5,7 % en moyenne).
Et ce n'est pas fini...