« Personne n’a vu les 120 millions d’euros pour les enfants à la rue »
In L’Humanité du 26 septembre 2024
Selon la députée écologiste Marie-Charlotte Garin, le gouvernement n’a pas tenu sa promesse d’investissement dans les hébergements d’urgence.
Deux ans après l’engagement « zéro enfant dans la rue », ils n’y ont jamais été si nombreux. Le baromètre 2024 de l’Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) recense une augmentation de 120 % des enfants sans toit en quatre ans. Pourtant, un investissement d’une centaine de millions d’euros avait été promis par le gouvernement, en janvier. Mais, huit mois après, ils n’ont toujours pas été injectés dans les structures associatives. Un manquement que dénonce Marie-Charlotte GARIN. La députée Les Écologistes réclame donc de connaître la répartition de la somme d’argent prévue entre les différents acteurs associatifs et institutionnels, les échéances de mise en place et le nombre de places d’hébergement effectivement créées. Au sein de sa circonscription du Rhône, neuf écoles se transforment la nuit en refuges pour les jeunes et leurs parents sans domicile, faute de mieux.
Le 8 janvier, le ministre délégué au Logement, Patrice VERGRIETE, promettait un investissement de l’État à hauteur de 120 millions d’euros, soit 10 000 places d’hébergement d’urgence. Qu’en est-il ?
Avec les autres forces de gauche, nous avons gagné plusieurs batailles à ce sujet. D’abord, nous avons empêché le recul du nombre de places dans le parc d’hébergement d’urgence. L’année suivante, nous avons obtenu une promesse d’investissement de 120 millions d’euros. Nous avons appuyé de multiples demandes pour comprendre comment le découpage de cette somme serait effectué et sa temporalité de versement. Mais, gros hic : personne n’en a jamais vu la couleur. Les associations de terrain lancent une alerte à ce sujet. À titre d’exemple, le Samu social de Lyon n’a pas reçu un centime. Les travailleurs sociaux se retrouvent en grande difficulté, sans moyen pour répondre aux besoins du public. La profession fait face à une grande détresse et est dans une grave fragilité budgétaire.
Le baromètre de l’Unicef indique des chiffres dramatiques : à la veille de la rentrée scolaire, ils sont 2 043 enfants à dormir dans la rue. Ce chiffre est sous-estimé car les jeunes concernés par cette enquête sont ceux pour qui le Samu social n’a pas trouvé de solution d’hébergement. Or, un grand nombre de familles ne composent plus le 115 car elles savent qu’elles n’auront pas de possibilité de logement.
Cet engagement a été réaffirmé par deux fois dans l’Hémicycle. Comment expliquer que rien ne se soit concrétisé ?
Les ministres sont démagogiques à souhait. Lorsque le sujet des enfants à la rue est abordé, ils savent que les réactions sont unanimes : c’est inadmissible. Cette situation choque. Ils s’achètent alors une bonne conscience en promettant des moyens. On sait très bien que les 120 millions ne sont qu’un pansement, une goutte d’eau face au tsunami. Il est aussi nécessaire de les accueillir convenablement, ce qui n’est vraiment pas la direction prise par le gouvernement Barnier. Ce qui se passe vient complètement désavouer la promesse d’Emmanuel Macron de « zéro enfant dans la rue ». La hausse de la précarisation des populations est d’ailleurs causée par ses politiques ultralibérales.
Selon la doctrine macroniste, tout se déroule comme prévu : un pouvoir d’achat en baisse, de plus en plus de personnes qui se retrouvent dans la rue et des expulsions facilitées par la loi Kasbarian. Le cocktail est explosif et les premiers à trinquer sont les enfants et les femmes qui dorment dehors.
Quelles actions envisagez-vous ?
Nous devons nous mobiliser de manière transpartisane et réfléchir à une stratégie commune pour faire bouger le gouvernement à ce sujet. Il nous faut acter un dépassement des clivages politiques et travailler à une proposition de résolution sur le sujet. Il faudrait déclarer la question du sans-abrisme comme grande cause nationale. Et obtenir enfin une politique efficace en termes de logement. Or, nous savons que l’exécutif Barnier souhaite faire des économies budgétaires considérables. Les personnes les plus vulnérables ne sont clairement pas sa priorité.
Vous aviez proposé un budget de 160 millions d’euros, en novembre 2023.
La concertation avec les associations nous a permis de définir cette somme de 160 millions d’euros. Même si le gouvernement a réduit cette somme initiale, nous sommes face à une situation tellement désespérée qu’il s’agissait d’une énorme victoire d’obtenir encore 120 millions d’euros ! Cette victoire s’est transformée en peau de chagrin... Et pourtant, sur le terrain, de plus en plus d’enfants dorment à même la rue.
Et ce n’est pas fini...