In L’Humanité du 6 août 2024
Le 21 août 1944, le résistant communiste Georges Guingouin, chef départemental et lieutenant-colonel des Forces françaises de l’intérieur (FFI) de la Haute-Vienne, entre dans Limoges à la tête de plusieurs milliers d’hommes, maquisards et résistants. Plutôt que d’attaquer directement la ville, il avait préféré l’encercler, exigeant la reddition de la garnison d’occupation, ayant en tête le terrible drame de Tulle, quelques jours avant.
Libéré par le maquis, le chef-lieu de la Corrèze est repris le lendemain par la division SS Das Reich : 99 hommes sont pendus au vu de tous. La même division laissera aussi derrière elle le massacre d’Oradour-sur-Glane. À Limoges, les Allemands capitulent sans que soit tiré un coup de feu. Georges Guingouin, qui signait « le préfet du maquis », surnommé « le Grand » en raison de sa taille, défile de nouveau en tête des troupes FFI, le 12 septembre.
On pense à cette autre image, à Paris, le 26 août, avec cette autre grande figure, celle de De Gaulle, qui parlera de Guingouin comme de « l’une des plus belles figures de la Résistance » et le fera compagnon de la libération, chose exceptionnelle pour un communiste. Ils furent seulement douze sur plus d’un millier, en dépit de leur rôle dans la lutte contre l’occupant.
C’est sur le sol de France et dans sa région que le jeune instituteur communiste qu’il était entre, en avril 1941, dans la clandestinité, vivant dans les bois, dans des cabanes ou des maisons inhabitées. En janvier, il avait commencé à publier, malgré l’interdiction du Parti communiste, un journal, le Travailleur limousin. En février, il avait échappé de peu à la police.
Né en 1913, il n’a pas connu son père, sous-officier mort dès les premières semaines de la guerre, le 28 août 1914. Sa mère est directrice d’école primaire et il deviendra lui-même instituteur. Il a été le seul élève de l’école normale, en 1934, à participer à la grève du 12 février en réaction aux émeutes fascistes du 6. Il adhère au Parti communiste français en 1935 et y prend rapidement des responsabilités.
La guerre change la donne. Mobilisé, blessé, il fuit de justesse, essuyant des tirs, l’hôpital de Moulins. Il s’efforce alors de regrouper les militants du parti, désormais interdit. Dès août 1940, il rédige un « appel à la lutte armée contre l’occupant ». Dès lors, il va rassembler autour de lui. Et avec ses groupes armés, il va multiplier les sabotages d’usines produisant pour les Allemands, de voies de communication, tout en se souciant dans le même temps du prix du blé et de l’approvisionnement de la population.
Avec le Service du travail obligatoire, que fuient de nombreux jeunes, le maquis ne cesse de s’agrandir. Il compte bientôt plus de 8 000 hommes armés. Le Débarquement, le 6 juin, va précipiter leur action. Le 9 juin, ils capturent un officier SS de la division Das Reich, retardée de ce fait de trois jours. Eisenhower lui-même dira que ce retard a été précieux pour maintenir la tête de pont alliée. Début juillet, au mont Gargan, ils mènent une véritable bataille rangée contre une brigade allemande.
Limoges est libérée. Georges Guingouin en sera maire de 1945 à 1947. Mais, rétif à certaines directives du PCF, il fait l’objet d’accusations infondées, absurdes : on l’accuse d’accepter sans protester les éloges de la presse américaine ; il est soupçonné de détournement d’argent, de travail politique fractionnel, etc. Malgré l’opposition de ses proches camarades, il est exclu du parti en 1952.
Quelques années plus tard, victime d’accusations iniques d’assassinat lancées par d’anciens collaborateurs, il sera un temps emprisonné, violemment agressé et presque laissé pour mort dans sa cellule avant d’être totalement innocenté. La campagne menée en sa faveur au sein du PCF, avec l‘aide du secrétaire de la fédération de Haute-Vienne Christian Audoin, prendra du temps.
En 1998, Robert Hue, alors secrétaire national du PCF, lui écrit : « Nous mesurons le tort qui vous a été fait. » Georges Guingouin avait confié au journaliste de l’Humanité Hebdo Jack Dion : « Je souhaite que les paroles entrent dans la vie. C’est un énorme défi. Toute ma vie, j’ai souffert de la rupture entre les paroles et les actes, au détriment de l’idéal. » Mort en 2005, il avait relevé le défi.
Et ce n’est pas fini...