Comment les smartphones et véhicules électriques transforment 40.000 enfants en esclaves
Article d'Annaëlle LUCINA
Le lithium est un métal essentiel pour la production des piles et batteries rechargeables.
L’Australie, la Bolivie, le Chili et l’Argentine sont les pays qui concentrent l’essentiel des réserves mondiales de lithium. Un élément chimique à la base des technologies de batteries pour les véhicules électriques, les smartphones et d’autres objets électroniques.
Dans les régions productrices, l’utilisation massive d’eau pour la production de cet élément chimique provoque des conflits d’usages avec les populations locales. Et ce, au point de compromettre leur survie, alerte l’ADEME.
À l’horizon de 2040, les deux géants du pétrole ExxonMobil et BP misent sur 150 millions de véhicules électriques vendus. Un objectif qui devrait faire exploser la demande de lithium, un composant essentiel à la fabrication des batteries. Ainsi, d’après la Commission européenne, la demande de lithium sera multipliée par 18 d’ici 2030. Et 60 fois plus en 2050. Tout en sachant que, jusqu’à récemment, seuls 50 % du lithium contenu dans les batteries pouvaient être réutilisés en raison de processus de recyclage insuffisants et dangereux.
Dans ce contexte, depuis le 1er janvier 2021, un règlement européen est entré en vigueur dans toute l’Union européenne. Il tend à encadrer l’extraction des minerais nécessaires à la fabrication des smartphones et batteries. En plus de l’impact environnemental, le règlement estime que cette activité serait une source de conflits armés et de travail forcé.
D’un côté, le lithium garantit qu’une batterie puisse se recharger. De l’autre, grâce à sa densité énergétique élevée, le cobalt apporte un effet “boostant” à la batterie. Pour se faire une idée du problème, près de 60 % de ce métal rare est extrait en République démocratique du Congo. Autrement dit, le sud du Congo recèle une quantité de cobalt estimée à 3,4 millions de tonnes métriques, soit, près de la moitié des réserves mondiales connues. Tout en sachant que, dans cette région, la réglementation de cette industrie est pratiquement inexistante.
Les Portugais ont commencé à exploiter les gisements miniers du Congo à partir du XVe siècle, les Belges ont ensuite pris le relais à partir de 1885. Ainsi, dans le pays, on estime que plus de 40 000 enfants esclaves travaillent dans des mines, selon un rapport d’Amnesty International et Afrewatch qui date de 2016. L’organisation se base sur des chiffres rapportés par l’UNICEF en 2014. Plus précisément, une majorité travaillerait dans des mines de cobalt et de coltan, deux métaux particulièrement recherchés dans la fabrication des batteries Li-ion, les moteurs électriques, les générateurs des centrales électriques ou encore des éoliennes.
Suite à l’explosion de la demande, ce métal pourrait devenir une source de revenu considérable pour des groupes armés… Et forcer de plus en plus d’enfants à travailler dans des mines, dans des conditions déplorables.
Environ 70 à 80% des ressources globales en lithium se trouvent au-dessous des plaines salées de l’Argentine, de la Bolivie et du Chili. Dans ces régions, les machines à extraction et les nouvelles montagnes d’argile et de terre ont progressivement redessiné le paysage.
En Argentine et en Bolivie, la production du lithium a déjà engendré plusieurs conflits sociaux entre les populations locales et les agents d’extraction. En effet, la plupart du temps, les communautés “indigènes” résidant autour des zones d’extraction n’ont pas de voix lors des consultations sur les activités minières. Et ce, alors qu’elles ont déjà été témoins d’un passé d’esclavage brutal dans les mines coloniales. Autre source de conflit, d‘après le Pentagone, l’Afghanistan possèderait un des plus gros gisements de lithium.
La saumure est une eau contenant une très forte concentration de sel. C’est elle qui contient le chlorure de lithium, essentiel à la fabrication des batteries lithium-ion. Ces réserves se trouvent entre 1,5 et 60 mètres de profondeur, sous les salars. Pour rappel, les salars sont des déserts de sel. Autrement dit, des étendues naturelles ou superficielles de sel. Par exemple, les dizaines de bassins d’évaporation du salar de Uyuni, en Bolivie, servent à l’extraction du lithium. Ainsi, 17 % du lithium planétaire gît sous le plus vaste désert de sel du monde.
Lors de processus d’extraction du lithium, les saumures, donc les dépôts d’eau souterrains, sont pompées et déversées en surface dans des bassins d’évaporation. Le chlorure de lithium y est ensuite progressivement concentré puis récolté. Autrement dit, le lithium est extrait des sels séchés qui restent à la surface. Et ce, grâce à une méthode similaire à celle utilisée pour produire du sel dans les marais salants. C’est cette technique que certains accusent de consommer une quantité astronomique d’eau.
Ainsi, d’après de nombreuses études, l’extraction du lithium serait donc énergivore en eau, engendrait une pollution des sols et serait à l’origine de conflits locaux. D’autres, comme le site révolution énergétique, considèrent “que le procès fait aux batteries et aux véhicules électriques à cause de l’empreinte écologique du lithium est tout-à-fait scandaleux”. Pour aller plus lois, dans un article du journal Le Monde de 2019, Didier Julienne, expert du négoce et de l’industrie minière, avance que “la guerre du lithium n’aura pas lieu”.
Des alternatives aux batteries lithium-ion moins toxiques et fabriquées à partir de métaux plus accessibles sont en cours d’exploration. Par exemple, les batteries sodium-ion et les batteries à flux.
Le sodium est un métal dont les sels sont très abondants dans la nature. Plus précisément, le chlorure de sodium, se trouve dans l’eau de mer et est accessible facilement, partout dans le monde. De leur côté, les batteries à flux se composent de deux substances différentes. Elles sont dissoutes dans des liquides puis séparées et pompées à travers une membrane. Grâce à une série de réactions de réduction et d’oxydation cette énergie chimique est convertie en énergie électrique. C’est d’ailleurs de ce processus que vient le nom red-ox. En chimie, la “réduction” définit la réaction chimique par laquelle un atome d’une molécule ou d’un ion gagne un ou plusieurs électrons.
À noter tout de même qu’en terme de stockage de l’énergie, des développements supplémentaires seront nécessaires pour les rendre aussi efficaces que le lithium. Par exemple, un ion sodium étant environ 50 % plus volumineux qu’un ion lithium, les matériaux de la cathode sont électrochimiquement moins stables. Pour rappel, la cathode représente l’électrode sur laquelle se produit une réaction qui consomme des électrons. Enfin, les batteries à flux sont les fruits d’un processus de fabrication très complexe.
Et ce n'est pas fini...