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Le blog de Bernard SARLANDIE

Lettre ouverte au sommet de l'Etat.

20 Novembre 2020, 09:28am

Publié par Bernardoc

  1. Emmanuel Macron, Président de la République

    Palais de l’Elysée,

    55 rue du Faubourg Saint Honoré

    75008 PARIS

Paris, le 16 novembre 2020

Objet: L’effectivité des droits de l’enfant en France et dans le monde nécessite une ambition affirmée et une gouvernance renforcée.

Monsieur le président de la République,

Le contexte dans lequel vous lisez ce courrier est difficile pour l’ensemble de notre pays, et risque de durer encore plusieurs mois. Dans vos récents discours, vous avez appelé à l’unité de la Nation en réponse aux épreuves que nous traversons. Nous pensons que cette unité doit se faire en préservant et en préparant un avenir commun, au centre duquel les jeunes générations doivent être mieux prises en compte, valorisées et écoutées. Pour ce faire, leurs droits,consacrés il y a près de trente-et-un ans par la Convention relative aux droits de l’enfant,doivent plus que jamais être garantis à chaque enfant. Il y a un an, à l’occasion du trentième anniversaire de ce texte international, vous aviez délivré à l’Unesco un discours engagé sur l’enfance, et énoncé les nombreux défis à relever afin de passer De la Convention aux Actes”. L’année écoulée n’a pas apporté les progrès attendus en France et dans le monde dont nous voulons rappeler l’urgence à la veille de ce nouvel anniversaire.Monsieur le Président, vous le savez comme nous, la crise sanitaire en cours est sans précédent. Elle bouleverse notre société, exacerbe la précarité et renforce la vulnérabilité des enfants et des jeunes. Les enfants sont dores et déjà parmi les plus affectés par les conséquences sociales de cette pandémie : au niveau mondial, plus d1,5 milliard d’enfants ont été concernés par des fermetures d’écoles dont 463 millions qui n’ont pu bénéficier de la continuité éducative1; des millions d’autres n’ont plus d’accès à la santé2, parfois à l’alimentation ou encore aux loisirs, condition sine qua non de leur épanouissement. Et la crise va continuer d’affecter les enfants dans les temps à venir : au total, ce sont 150millions d’enfants supplémentaires3qui risquent de se retrouver en situation de pauvreté dans le monde à l’horizon fin 2020 en raison des conséquences économiques de la pandémie de laCOVID-19. En France, la scolarité des enfants a été bouleversée exacerbant souvent des inégalités préexistantes.De nombreux enfants ont été exposés aux violences dans le cadre intrafamilial, le confinement ayant notamment empêché que leur situation soit signalée. D’autre part, les enfants relevant de l’Aide sociale à l’enfance, comme ceux en situation de handicap, ont pu souffrir de la suspension des droits de visite et d’hébergement ou de la fermeture des structures médico-sociales. Cette crise révèle des faiblesses préexistantes mais elle peut être l’opportunité pour changer, évoluer, s’améliorer. En novembre 2019, nous avions remis à plusieurs décideurs publics une série de 12 actes, portant 69 recommandations, dont l’objet était d’améliorer l’effectivité des Droits de l’enfant en France et à l’international. Parmi ces propositions, l’une concernait plus spécifiquement la gouvernance de l’enfance. La création d’un secrétariat d’État à la protection de l’enfance et la nomination d’Adrien Taquet début 2019, montrent une attention renforcée concernant les thématiques touchant à l’enfance. Depuis, des avancées concrètes ont eu lieu à travers la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, et le pacte pour l’enfance. Dernièrement, l’allongement du congé paternité est apparu comme une évolution déterminante pour les premiers jours de la vie des tout-petits, et pour plus d’égalité entre femmes et hommes. Monsieur le Président, il faut sans tarder aller plus loin. Nos associations vous demandent de porter une véritable ambition pour l’enfance et la jeunesse. Environ 16 millions d’enfants vivent aujourd’hui en France; près de 2,2 milliards à l’échelle mondiale. Pour autant, l’enfance n’occupe aujourd’hui qu’une place secondaire parmi les priorités de notre pays, tant sur le plan national que dans notre action internationale et diplomatique. Nous pensons donc que la gouvernance de l’enfance doit être renforcée et qu’un secrétariat d’État en fin d’ordre protocolaire ne peut ni représenter, ni porter les politiques publiques qui concernent plus d’un quart de la population -si l’on ne s’en tient qu’aux enfants et non aux familles -, tant en termes d’influence que de moyens humains et financiers. Un ministère indépendant ou un rattachement auprès du Premier ministre permettrait de réaffirmer le caractère pluridimensionnel des politiques de l’enfance.Cette vision rénovée et intégrée des droits de l’enfant permettrait que les enfants d’aujourd’hui ne soient pas laissés de côté, et deviennent des jeunes et citoyens actifs de demain. 10 ans avant la fin des Objectifs de Développement Durable, laide au développement et l’aide humanitaire doivent gagner en efficacité et en cohérence via l’approche par les droits de l’enfant, aujourd’hui quasiment absente des orientations stratégiques de sa politique de coopération internationale, comme l’atteste le projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Enfin, l’ambition pour l’enfance doit s’accompagner d’une action forte sur l’amélioration de la participation des enfants et des jeunes aux décisions et politiques publiques qui les concernent. Ainsi, la France doit soutenir davantage les organisations d’enfants et de jeunes existantes dans les pays partenaires, qui sont souvent porteuses de changement vers des sociétés plus justes et plus durables.

Monsieur le Président, dans cette période difficile, nous pensons qu’investir pour les enfants et la jeunesse et l’effectivité de leurs droits et affirmer une ambition claire en faveur des droits de l’enfant est un cap qui participerait à l’unité que vous appelez de vos vœux. Nous vous appelons donc, à l’occasion du trente-et-unième anniversaire de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant, à passer de la Convention aux Actes et à impulser une véritable politique transversale pour les Droits de l’Enfant. Avant la fin du quinquennat, il est encore temps de graver des actes, mais il faut agir maintenant.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, nos salutations respectueuses.

 

Pour la Dynamique «De la Convention aux Actes ! »

Isabelle Moret, Directrice générale de SOS Villages d'enfants

Et ce n'est pas fini...

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