In l’Humatinale du 12 février 2025 (extraits)
À la rentrée prochaine, Paris supporterait 110 suppressions de poste et près de 200 fermetures de classe en primaire. Avec la dégradation des conditions d’exercice des directeurs d’école, ces annonces suscitent la colère.
Quand certains mettent en avant les 4 000 suppressions de poste prévues au projet de budget 2025 pour l’Éducation nationale et finalement évitées, la réalité du terrain vient rappeler que cela ne suffira pas pour que l’école remonte la pente.
Le 11 février, 60 % des enseignants parisiens étaient en grève, et 170 écoles fermées.
Les syndicats et les organisations de parents d’élèves demandent instamment la révision de la « carte scolaire », qui, pour la rentrée 2025, prévoit de faire payer un lourd tribut aux élèves parisiens : sur 470 suppressions de poste sur le plan national, la capitale en subirait à elle seule 110, soit près du quart.
Sortie sous les huées d’une école du 11e arrondissement qu’elle avait prévu de visiter le même jour, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, tentait de justifier ces coupes par « une baisse démographique importante à Paris ».
De fait, la capitale paie son tribut aux prix de l’immobilier devenus fous, qui poussent les familles – même aisées – à s’éloigner quand les naissances les obligent à trouver un logement plus grand. Selon le rectorat, elle a perdu plus de 33 000 élèves sur les quinze dernières années, et les prévisions pour la rentrée prochaine font état d’une nouvelle perte de 3 200 élèves. Selon la ministre, il est donc logique que cela se reflète sur « l’allocation des moyens » d’enseignement.
La logique des familles et des enseignants n’est évidemment pas la même. Sous une pancarte aux couleurs de l’association de parents d’élèves du 20e arrondissement, qu’il copréside, Julien Pamart prend un exemple : « L’année dernière, l’école Pelleport a subi une fermeture de classe. Depuis, cela ne fonctionne plus : on se retrouve avec des classes à double niveau en déséquilibre complet, avec 5 élèves de CP et 21 élèves de CE1. »
Un cas loin d’être isolé aujourd’hui, et que les près de 200 fermetures annoncées ne feraient qu’aggraver. Tout comme les situations de classes de maternelle à 27 élèves, dont certains porteurs de handicap nécessitent une prise en charge particulière : « On manque déjà d’AESH pour aider les enfants les plus fragiles, reprend Julien Pamart, mais dans ces conditions on ne pourra pas demander aux enseignants de leur apporter l’accompagnement nécessaire. »
Comme si cela ne suffisait pas, à toutes ces difficultés vient s’ajouter la décision de mettre fin au dispositif spécial de décharge d’enseignement pour les directrices et directeurs d’école. Depuis 1982, elles et ils bénéficient d’une décharge complète dès lors que l’école compte au moins cinq classes – alors que, dans le reste du pays, il faut une école à 12 classes pour en bénéficier.
Pourtant, la Mairie de Paris propose de reprendre à sa charge le coût (estimé à 116 millions d’euros l’an dernier) de ces décharges supplémentaires. « Les directeurs d’école font un travail administratif très lourd, qu’ils ne pourraient pas faire dans les mêmes conditions s’ils n’étaient pas déchargés », a argué la maire de paris, Anne Hidalgo.
« Un travail énorme et épuisant qui semble échapper au ministère », ironise tristement, devant le rectorat, Damien, enseignant à l’école élémentaire toute proche Rampal, en rappelant que c’est précisément ce que dénonçait en 2019 Christine Renon, directrice à Pantin (Seine-Saint-Denis), dans la lettre laissée derrière elle après son suicide dans le hall de son école.
Et ce n’est pas fini...