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Le blog de Bernard SARLANDIE

Eh oui !

20 Juin 2024, 16:50pm

Publié par Bernardoc

Les inégalités d’accès aux services publics, carburant pour le RN ?

in Le Monde du 20 juin 2024

Fermeture de bureaux de poste, de centres des impôts, de services de maternité, suppression de classes, de petites lignes de train… En plus de fragiliser des territoires, contraignant leurs habitants à parcourir des kilomètres pour accéder à leurs droits, les restructurations de services publics, qui ont cours depuis plus de vingt ans, alimentent le vote pour le Rassemblement national (RN), lequel exploite opportunément le sentiment d’abandon et de déclassement qui en résulte.

Le politologue Jérôme FOURQUET y voit « un carburant du RN dans les petites villes et les villages ». Dans son ouvrage La France d’après (Seuil, 2023), il montre la corrélation entre la progression du vote RN entre 2002 et 2022 et la fermeture de toute une série de services publics, dans des préfectures, des sous-préfectures et d’anciens chefs-lieux de canton. Des disparitions « douloureusement vécues par les habitants et les élus », qui, rappelle-t-il, y voient une « rétrogradation » du rang de leur ville.

Dans une étude sur la mobilité des jeunes ruraux publiée en mai, l’Institut Terram, un groupe de réflexion qui se consacre à l’étude des territoires, et l’association Chemins d’avenirs, qui lutte contre l’inégalité des chances des jeunes ruraux, estiment que les entraves à la mobilité, faute d’offre de transports publics, et l’isolement géographique ressenti par nombre de jeunes ruraux concourent à alimenter le vote en faveur du RN – les critères socio-économiques renforcent l’effet de lieu.

Coautrice de La Valeur du service public (La Découverte, 2021), l’historienne Claire LEMERCIER rappelle « la portée symbolique de ces services publics à la française dans l’imaginaire collectif. Bureau de poste et ligne de train matérialisent l’aménagement et la desserte du territoire jusque dans chaque canton, comme l’avait voulu la “République”, à la fin du XIXe siècle, avec des bâtiments donnant une majesté à ce qui appartient à tout le monde ». Donc, une fierté. Leur fermeture est vécue comme un déclassement en même temps qu’un désengagement de la puissance publique.« Voir se dégrader ces bâtiments n’est pas non plus sans effet », rappelle l’historienne.

La sociologie du vote RN dépasse désormais largement les catégories populaires. Sur ses terrains, on constate que les notables locaux vivent tout aussi mal le recul des services publics, « symbole d’un déclassement territorial ». « Les élus locaux du RN l’ont bien compris, qui viennent grossir les cortèges dès qu’un service public est menacé, profitant du vide laissé par la gauche. »

« Si la gauche espère reconquérir le vote des catégories populaires, celles des bourgs mais aussi des banlieues et des villes, cela doit passer par des propositions fortes en matière de services publics », dit Julia CAGE, coautrice d’Une histoire du conflit politique (Seuil, 2023) et engagée aux côtés des forces progressistes de gauche – par ailleurs présidente de la société des lecteurs du Monde. L’économiste considère que l’injustice dans l’accès aux services publics est l’un des principaux déterminants du vote RN, avec le pouvoir d’achat. Et ce, avant la question migratoire.

Quant au monde rural, il n’est pas structurellement conservateur, estime-t-elle, mais a en revanche été déçu par une offre politique de gauche essentiellement urbaine et peu attentive à ses préoccupations. « Si vous devez faire des kilomètres pour accoucher ou avorter, comment voulez-vous que des discours sur la constitutionnalisation de l’avortement et la PMA pour toutes vous parlent ? », rappelle-t-elle. Proposition de l’économiste : « Réintroduire l’ISF en ciblant toutes les recettes vers le financement des services publics sur tout le territoire. »De quoi rapporter 30 milliards d’euros par an, d’après ses calculs.

En matière de programmes pour les législatives des 30 juin et 7 juillet, le Nouveau Front populaire s’engage à un « plan d’investissement » afin que « personne ne [puisse] habiter à moins de trente minutes d’un accueil physique des services publics ». Mais aussi au « rattrapage des postes manquants de fonctionnaires », de l’hôpital à l’école publique.Dans sa profession de foi, le RN parle, quant à lui, de « réduire les déserts médicaux, soutenir l’hôpital public et sécuriser l’approvisionnement en médicaments », sans davantage de précisions, pour l’heure. La majorité devrait, quant à elle, s’appuyer sur ses engagements pris en avril pour simplifier les démarches administratives et améliorer les services publics.

Et ce n’est pas fini...

 

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