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Le blog de Bernard SARLANDIE

Notre 11 novembre.

11 Novembre 2024, 17:00pm

Publié par Bernardoc

Pour la paix , contre la guerre.

Je vais commencer par une citation d'un futur condamné à mort qui mourut dans son lit :

“Pour maintenir l’esprit d’obéissance et la discipline parmi les troupes, une première impression de terreur est indispensable. » C'est ce qu'a dit le Général Philippe Pétain en 1915 avant de commencer à fusiller « pour l’exemple ».

Cette guerre n'aurait jamais dû avoir lieu. Jaurès écrivait dans son dernier papier, paru dans L'Humanité le 31 juillet 1914, c'est à dire le jour de son assassinat : « Le plus grand danger à l'heure actuelle...est dans l'énervement qui gagne, dans l'inquiétude qui se propage, dans les impulsions subites qui naissent de la peur, de l'incertitude aigüe, de l'anxiété prolongée. A ces paniques folles les foules peuvent céder et il n'est pas sûr que les gouvernements n'y cèdent pas. » Mais la grève générale contre la guerre votée par le parti socialiste quelques jours avant l'assassinat de Jaurès n'eût jamais lieu.

Pourtant, à l'origine, socialisme ne rimait-il pas avec pacifisme ?

Quant à Lyautey, maréchal de France, il s'écria à propos de cette guerre : "Ils sont fous ! Une guerre entre Européens c'est une guerre civile. C'est la plus énorme ânerie que le monde ait jamais faite. "

Mais de son Maroc, il avait malgré tout une vue partielle de ce qui allait se passer vraiment. Montéhus, célèbre chansonnier du début du siècle dernier en a donné une image plus réaliste dans La butte rouge :

Sur c'te butte là, y avait pas d'gigolette,
Pas de marlous, ni de beaux muscadins.
Ah, c'était loin du moulin d'la galette,
Et de Paname, qu'est le roi des pat'lins.

C'qu'elle en a bu, du beau sang, cette terre,
Sang d'ouvrier et sang de paysan,
Car les bandits, qui sont cause des guerres,
N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents.

La Butte Rouge, c'est son nom , l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpaient, roulaient dans le ravin
Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin
Qui boira d'ce vin là, boira l'sang des copains...

Eh oui, accepter de porter une arme, c'est fabriquer du crime !

Fusillés "pour l'exemple ", tu parles ! Comme si la peine de mort, car c'est bien de cela qu'il s'agit, avait un effet dissuasif ! L'armée est décidément bien l'école du crime, puisque, non contente de faire la guerre ("un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas", comme l'a si bien dit le poète Paul VALÉRY ), elle assassine impunément ceux qu'elle a enrôlés de force. 727 victimes sont toujours considérées comme des parias. A commencer par Frédéric Henri Wolff : officier décoré de la Légion d'honneur. Le 25 août 1914 il est à la tête du 4e bataillon du 36e régiment d'infanterie coloniale. Il tente de se rendre pour épargner ses hommes. Il est condamné par le conseil de guerre le 1er septembre 1914 à la peine de mort avec dégradation militaire. Il avait 45 ans. Ce fut le premier fusillé pour l'exemple. Une demande de réhabilitation est déposée en 1933. Aujourd'hui, il n’est toujours pas réhabilité.

44 hommes ont été assassinés en septembre 1914, 57 en octobre, 200 au cours des 5 premiers mois du conflit, sans compter les "disparus ", victimes d'exécutions sommaires, sans même un simulacre de jugement.

C'est en résistance à cela que 36 anarchistes publièrent à Londres, en anglais, allemand et français, le 12 février 1915 un manifeste contre la guerre dans lequel on pouvait lire : “Il faut faire que le son de la musique guerrière et la vue des uniformes, au lieu de réveiller dans la foule ses instincts sauvages, l'emplissent de terreur et de dégoût. Il faut faire que le militaire professionnel, au lieu de rester un objet d'envie et d'admiration, devienne un objet de mépris, que le soldat arrive à haïr et mépriser lui-même le triste métier qu'on lui fait exercer.”

Cela fut suivi sept mois plus tard à Zimmerwald en Suisse, dans le canton de Berne, du 5 au 8 septembre, par la première conférence pacifiste. Les délégués étaient venus de toute l'Europe pour voter une motion qui disait :”Nous affirmons que cette guerre n'est pas notre guerre.” Romain ROLLAND, réfugié en Suisse, emboîtera le pas deux mois plus tard en publiant Au-dessus de la mêlée, recueil qui le fit accuser d'anti-patriotisme et de pacifisme !

En 1916, c'est à Kienthal, toujours en Suisse que se tient une autre conférence pacifiste : les socialistes appellent à faire pression sur les gouvernements au moyen de grèves et de manifestations européennes. Les derniers mots du manifeste soulignent cette idée : « À bas la guerre ! Vive la paix ! La paix immédiate et sans annexions ! Vive le socialisme international ! ».

On a pu dire que plus l’état-major est incompétent, plus il y a de fusillés.

Il existe pourtant des militaires de haut rang, des officiers généraux, qui ont pris conscience des horreurs que l’État leur demandait de commettre. Ainsi, le général Jacques de BOLLARDIERE, trop jeune pour avoir participé à la première guerre puisqu’il n’avait que 11 ans à l’armistice, a-t-il remarqué :

« La guerre n’est qu’une dangereuse maladie d’une humanité infantile qui cherche douloureusement sa voie...Céder à la violence et à la torture, c’est, par impuissance à croire en l’homme, renoncer à construire un monde plus humain. »

Mais il était bien seul dans sa démarche.

N'ayons pas peur des mots : ce crime contre l'humanité, c'est à dire contre nos frères humains, n'a jamais été condamné, pis même, reconnu.

Sinon pourquoi alors depuis un siècle ce refus du plus élémentaire acte de justice post - mortem : la réhabilitation ?

Les fusillés pour l'exemple demeurent encore les parias de la nation. Leur crime ? Avoir voulu rester dignes et éviter la boucherie entre frères humains. Même les amateurs d'évangiles, ceux qui rabâchent « Tu ne tueras point », devraient reconnaître que ce commandement a été bafoué par la sainte alliance du sabre et du goupillon.

Et cette réhabilitation est pourtant nécessaire, pour faire émerger la Vérité. Des milliers de soldats, d'hommes, ont refusé cette boucherie, des centaines furent passés par les armes pour avoir exprimé des sentiments d'humanité. Et tous ces réfractaires à l’armée, qu’Albert EINSTEIN qualifiait de « véritables pionniers d’un monde sans guerre », ne sont toujours pas entrés dans la mémoire collective. Pour des milliers de rues dédiées au massacreur Joseph JOFFRE, combien de plaques bleues au nom de Louis LECOIN, insoumis à toutes les guerres ?

Depuis plus de cent ans, les gouvernements se sont succédés, de droite ou de gauche, sans que cette demande de justice pour les victimes de ces assassinats de masse n'ait avancé. Il y a quelques années que le dernier poilu, Lazare PONTICELLI, a disparu. Il était parti la fleur au fusil, et il était revenu (la chance avait été avec lui) profondément antimilitariste.

Jean GIONO a survécu à la grande guerre, mais dans quel état ? Voici ce qu'il en dit : « Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement je la revois, je la sens, je l'entends, je la subis encore. Et j'ai peur. » 900 morts par jour pendant quatre ans, plus du tiers des jeunes gens entre 19 et 22 ans décimés, 600 000 veuves et autant d'orphelins, et bien sûr les centaines de martyrs fusillés « pour l'exemple. »

Qu'attend-on pour les réhabiliter, afin que justice leur soit rendue ?

D’autres pays ont acté la réhabilitation : la Nouvelle – Zélande en 2 000, le Canada en 2001, le Royaume – Uni en 2006. Rien ne justifie la honteuse position des autorités françaises qui, avec plus d'un un siècle de retard, refusent la réhabilitation de ceux qui ont été fusillés et qui ne se sont pas déshonorés.

A l’initiative de LFI, l’assemblée nationale avait voté une loi de réhabilitation qui malheureusement fut retoquée au sénat.

Si la réhabilitation est nécessaire, n’oublions cependant pas que ce n’est qu’un pis-aller après ces hécatombes inutiles et néfastes, car comme le disait Louis LECOIN :

« S’il m’était prouvé qu’en faisant la guerre, mon idéal avait des chances de prendre corps, je dirais quand même non à la guerre. Car on n’élabore pas une SOCIETE HUMAINE sur des monceaux de cadavres. »

 

En guise de conclusion, alors qu’en ce début du XXI° siècle aucune leçon ne semble avoir été retenue, quelques vers du regretté Francis LEMARQUE :

 

Quand un soldat s'en va - t - en guerre il a

Des tas d'chansons et des fleurs sous ses pas

Quand un soldat revient de guerre il a

Simplement eu d'la veine et puis voilà.

Et ce n'est pas fini...

 

Notre 11 novembre.
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