Pourquoi les militants de Renaissance sont aussi discrets dans leur soutien à Emmanuel Macron
In le JDD du 9 mai 2023
Empêtré dans une page de la réforme des retraites qu’il ne parvient pas à tourner, le président de la République est isolé depuis plusieurs semaines. Le chef de l’État ne peut pas compter sur le soutien des militants de son parti, Renaissance, pour le défendre lors de ses déplacements.
Des rangées de barrières métalliques installées tout au long des Champs-Élysées, une remontée de l’avenue vide de public mais des forces de l’ordre bien présentes… La commémoration du 8-Mai par Emmanuel Macron, lundi, a donné lieu à des images inhabituelles de la « plus belle avenue du monde ».
L’Élysée avait en effet décidé d’instaurer un périmètre de sécurité important autour de la célèbre avenue parisienne, afin d’éviter tout risque de manifestation hostile et de concert de casseroles à proximité de l'Arc de Triomphe. « On ne confine pas la démocratie », a déploré le député écologiste Julien Bayou ce mardi matin sur BFMTV. L’entourage d’Emmanuel Macron avait pourtant promis en avril que le chef de l’État allait se mettre « à portée de baffes » lors de ses déplacements.
Empêtré dans la réforme des retraites, le président de la République est isolé depuis plusieurs semaines. Le chef de l’État ne peut pas compter sur le soutien des militants de son parti, Renaissance, pour faire la claque. Même quand il était au plus bas dans les sondages et chahuté lors de son quinquennat, Nicolas Sarkozy était régulièrement accompagné par des militants UMP venus l’applaudir lors de ces déplacements. Emmanuel Macron est quant à lui seul. Trop seul, au point de s’en inquiéter ?
« Rien ne serait pire que de déserter le terrain et ainsi de rester sourds aux attentes, aux propositions et aux critiques parfois bien légitimes de nos compatriotes », a mis en garde le chef de l’État dans un e-mail envoyé aux adhérents et sympathisants Renaissance, le 24 avril dernier. Il avait alors appelé ses soutiens à « à nouveau sillonner le pays dans les semaines qui viennent ».
« On ne voit aucun militant, on ne voit pas le logo de Renaissance… Seuls des officiels l’accompagnent à chacun de ses déplacements, constate la politiste Virginie Martin interrogée par le JDD. Emmanuel Macron aurait pourtant besoin de leur soutien dans cette période difficile. » Selon la professeure à Kedge Business School, Emmanuel Macron est « un président sans parti ».
Du côté de Renaissance, on dit ne pas vouloir réitérer des pratiques qualifiées de « mises en scène ». « On a les moyens de faire venir des militants à chaque déplacement, on reçoit même des demandes de nos militants en ce sens, mais il serait contre-productif d’organiser un soutien artificiel », avance au JDD Loïc Signor. Le porte-parole du parti Renaissance précise que des militants de la formation Emmanuel Macron sont parfois présents en marge des déplacements du chef de l’État. De même, des « temps d’échange encore organisés avec des ministres ou des équipes du président de la République ».
Loïc Signor « préfère » que le président de la République « voit des Français inquiets, qu’il peut convaincre du bien-fondé de notre politique, plutôt que de se retrouver avec un comité d’accueil qui fasse la claque ». Il ajoute : « Le président de la République est là pour rencontrer des gens qui ont des choses à lui dire et pour y répondre à son niveau. »
Joint par le JDD, François Patriat avance d’autres raisons : impossible de faire venir des macronistes sans prendre le risque d’attirer des contestataires, qui multiplient les « casserolades » depuis plusieurs semaines. « Si l’on dit qu’Emmanuel Macron vient quelque part, ça fuite dans la foulée et il y a des opposants qui viennent », regrette le président du groupe Renaissance au Sénat. Par ailleurs, « même si on faisait venir 50 militants pour l’accueillir, on ne les verrait jamais à l’écran, contrairement aux opposants », déplore le sénateur de la Côte-d’Or. Plus généralement, « on sait que l’on mobilise plus facilement contre que pour », dit-il. « Je regrette que la France silencieuse ne soit pas mobilisée, celle qui me dit tous les jours ‘Tenez bon, on vous soutient’, mais qui ne dit rien. »
Particulièrement discret ces derniers mois, le parti Renaissance pointe le bout de son nez plus d’un an après la réélection d’Emmanuel Macron. La formation a lancé ce week-end une opération militante en soutien au chef de l’État. Cette campagne, intitulée « Pour nous », en écho au slogan de la campagne présidentielle de 2022 « Avec vous », a pour objectif de défendre le bilan des six premières années de ses mandats. « Elle répond à l’injonction du président de la République et démontre qu’il est possible d’aller faire de la politique de terrain, de convaincre aussi bien sur notre bilan que de montrer que les quatre prochaines années seront utiles », explique Loïc Signor. Quelque 500 000 tracts ont été imprimés, de même que 300 000 affiches.
« On retourne sur le terrain car à un moment donné on nous l’a confisqué pour promouvoir les idées contre la réforme des retraites », estime le porte-parole de Renaissance, qui se félicite de ce retour. « La réalité c’est que ça marche, comme on l’a vu ce week-end. Il est possible d’avoir un dialogue, dans la sérénité, malgré des désaccords », veut-il croire.
« Les militants sont courageux. Il y a plus de soutien de la part des militants Renaissance que de la part des élus qui ont un peu la trouille », estime François Patriat, soutien de la première heure du chef de l’État. « Quand un élu de LFI appelle à décapiter Emmanuel Macron (NDLR : Christophe Prudhomme, conseiller régional Île-de-France, a chanté dimanche lors d’une manifestation le slogan « Louis XVI, on t’a décapité. Macron, on peut recommencer »), ça ne donne pas forcément envie aux militants d’aller sur le terrain », souligne de son côté Loïc Signor.
Pour Virginie Martin, la frilosité affichée par Renaissance prouve que la formation d’Emmanuel Macron « n’a pas su devenir véritablement un parti politique ». Selon la politiste, Renaissance n’a pas su se « transformer en parti de cadre, encore moins en parti de masse » malgré les moyens conséquents attribués depuis 2017 en raison de ses scores électoraux.
Et ce n'est pas fini...