Semaine de quatre jours : une opportunité pour l'écologie et l'égalité ?
In Les Échos du 25 octobre 2024
Il est tentant de croire que certaines pratiques sont immuables, mais l'histoire nous prouve le contraire. En 1926, Henry Ford a révolutionné le monde du travail en instaurant la semaine de cinq jours. La norme était alors de travailler six jours, dix heures par jour. Ford avait compris que ses employés avaient besoin de temps pour se reposer et utiliser davantage ses voitures. Cette idée s'est rapidement propagée et la semaine de 40 heures s'est imposée.
Cent ans plus tard, même si le nombre d'heures a diminué, nous travaillons toujours cinq jours par semaine, alors que notre monde a radicalement changé. Et si, à l'heure de l'IA, il était temps de passer à la semaine de quatre jours ? Elle améliore la productivité et le bien-être, tout en renforçant l'attractivité des entreprises, notamment chez les jeunes. Mais cette évolution répond aussi à deux défis majeurs qui exigent de repenser notre rapport au travail.
Le premier défi est que les femmes ont massivement intégré le monde du travail sans que les hommes aient investi de manière équivalente le domaine domestique. En moyenne, les femmes réalisent encore 2,5 fois plus de tâches ménagères et 80 % des familles monoparentales sont portées par des femmes. Pour réussir à concilier cette double vie, les femmes sont souvent contraintes de choisir le temps partiel et des carrières moins rémunératrices. Résultat : 42 % d'écart de revenus au sein des couples et une précarité accrue pour les mères isolées, dont un enfant sur deux vit sous le seuil de pauvreté.
Le deuxième défi est l'urgence écologique. Nous sommes tiraillés entre notre vie professionnelle et la nécessité d'adopter des pratiques plus respectueuses de la planète. Or, les comportements responsables comme le zéro déchet, les circuits courts et le recyclage nécessitent du temps ! Les femmes en sont, d'ailleurs, souvent les principales initiatrices, ce qui alourdit encore leur charge. Selon une étude de Platform London, entre les trajets supprimés et les pratiques responsables, la semaine de quatre jours pourrait diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 20 %. C'est gigantesque.
En réalité, une réduction du temps de travail bénéficierait à la fois à la mixité et à la transition écologique. Elle serait même cruciale à un moment où la présence des femmes aux postes de décision est essentielle pour renforcer la RSE et où des mesures radicales sont nécessaires pour réduire notre empreinte.
En 2018, Andrew BARNES, à la tête d'une grande entreprise néo-zélandaise, a expérimenté la semaine de quatre jours payés cinq, à condition de maintenir la performance. Le bilan ? Une hausse de la productivité de 20 %, un stress réduit et des hommes plus investis dans la sphère domestique. Et si libérer une journée pour tout le monde permettait de favoriser un meilleur partage des tâches domestiques, de réduire ainsi les inégalités salariales et de consacrer plus de temps à des modes de vie durables ? Si, en plus, l'efficacité de l'entreprise augmente, c'est une solution gagnante pour tout le monde.
En France, plus d'un quart des salariés avouent déjà travailler moins le vendredi, et 11 % sont déjà sur quatre jours. Des pionniers comme Welcome to the Jungle ou LDLC ont déjà adopté ce rythme. En Allemagne, les trois quarts des entreprises qui ont testé le modèle souhaitent le poursuivre. Même constat au Royaume-Uni avec des salariés en meilleure santé mentale et physique. Au Japon, la productivité a bondi de 40 %.
La mise en place demande de l'organisation, notamment pour les TPE et certains secteurs, mais sa généralisation fait partie des solutions pour aller dans le sens d'un vrai progrès pour l'humanité et l'environnement. Fin 2024, une expérimentation nationale, pilotée par 4Jours.work, sera lancée. Une opportunité à saisir ?
Et ce n’est pas fini...