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Le blog de Bernard SARLANDIE

Les jeunes exilés invisibles du centre de Paris

1 Mars 2025, 09:07am

Publié par Bernardoc

In Street Press du 20 février 2025 (extraits)

Des femmes, des enfants et des ados, tous exilés, font la queue sous le parvis du BHV Marais, en face de l’Hôtel de Ville. Il est 20h30 et les vitrines irradient de lumière dans la nuit de cette fin janvier. Ibrahima jette un œil aux luxueux vêtements portés par les mannequins. Lui n’a rien, juste une doudoune et quelques vêtements restés dans sa tente. Lorsqu’il est arrivé de Guinée Conakry il y a un an, il s’est présenté au département de Paris pour faire valoir sa minorité et être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Selon la loi française, tout enfant isolé, sans parents ou représentant légal sur le territoire, doit être protégé et pris en charge. Le garçon dit avoir 15 ans. Mais après une série de tests – dont la fiabilité est régulièrement contestée – il est déclaré majeur. Depuis, son quotidien se résume à la rue et à l’errance :

Tous les soirs, comme des dizaines de jeunes hommes venus d’Afrique subsaharienne, il vient ici, devant la mairie de Paris, dans l’espoir de récupérer un peu de nourriture ou une couverture. Des denrées distribuées par Utopia 56, une association d’aide aux étrangers en situation irrégulière. Ibrahima a fait un recours auprès du juge pour enfants, pour contester la décision et réaffirmer sa minorité. Environ 3.800 jeunes exilés seraient dans la même situation. Le Guinéen attend depuis une date d’audience, dont les délais s’étendent entre six et neuf mois en moyenne. Selon une étude, 60% des jeunes sont finalement reconnus mineurs à la suite de leur recours en France. Le pays a d’ailleurs été sanctionné par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU en 2023 pour son manquement à assurer la protection d’un mineur isolé non accompagné (MNA) durant la période de son recours.

Sous la pluie battante, un ado se démène avec sa couverture, sa tente et son sac pour ne pas les faire tomber sur le béton mouillé. Les Parisiens comme les touristes, armés de parapluies, passent vite sans le remarquer. Le garçon, comme Ibrahima, traîne pourtant souvent dans le quartier : après les distributions, ils filent retrouver leur tente du côté de Pont Marie, celui qui relie l’île Saint-Louis au quai de l’Hôtel-de-Ville, à moins de 800 mètres. La journée, ils trouvent un peu de chaleur à la bibliothèque du Centre Pompidou, à 20 minutes à pied. De Paris, ils ne connaissent pas grand-chose de plus que ces quelques rues du 4e arrondissement. Les jeunes hommes n’en sortent que pour se rendre dans le parc de Belleville, devenu un lieu de rendez-vous et de sociabilité entre personnes migrantes. Ils n’ont jamais vu la tour Eiffel. Visiter la capitale n’est pas leur priorité, explique Mohamed :

« On m’a volé ma tente ! », appelle désemparé un jeune homme. Derrière l’Hôtel de ville, dans la rue qui longe les quais pour arriver au Pont Marie, des dizaines d’exilés ont installé leur campement sous les arches de la Cité internationale des Arts, au niveau de la galerie marchande. Ils y passent la soirée en groupe, puis rejoignent leurs tentes jusqu’au petit matin, avant l’ouverture des magasins. « Il faut tout ranger avant 7 heures parce qu’il y a des gens qui travaillent », explique, sérieux, Abdou, l’un des locataires sans-abris. Si les familles – femmes et enfants – sont orientées chez des habitants bénévoles ou dans des locaux de l’association Utopia 56, les ados, eux, dorment dehors. Il n’y a pas assez de place pour tout le monde, alors il faut prioriser, expliquent, dépités, les militants.

Et ce n’est pas fini..

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