In L’Humanité du 2 octobre 2024
Deux bassins de natation, un skatepark, un mur d’escalade et…du sable récupéré du stade de beach-volley installé sous la tour Eiffel : voilà à peu près à quoi se résume, sur le plan des équipements, l’« héritage » des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris pour quelques communes de Seine-Saint-Denis ou du Val-d’Oise. Loin de l’engouement suscité par la réussite de cet événement planétaire, les sportifs du quotidien n’en retireront pas grand-chose. Et encore moins le sport scolaire, porte d’accès aux pratiques sportives pour tous – en particulier pour les familles populaires –, qui fait plutôt figure de déshérité des Jeux.
Pourtant, afin de combattre la sédentarité, les abus d’écrans et leurs conséquences sanitaires, l’accès au sport constitue un enjeu sociétal majeur. Et l’éducation physique et sportive (EPS) à l’école demeure le premier lieu d’une pratique qui s’adresse vraiment à toutes et tous… jusqu’au plus haut niveau, comme le montrent les nombreux hommages rendus par des sportifs olympiques qui n’ont pas oublié leurs débuts dans le cadre scolaire. Or, depuis le début des années Macron, l’EPS subit une dégradation constante. Avec 1 000 suppressions de postes, elle a payé le plus lourd tribut aux quelque 8 800 postes supprimés dans le second degré depuis 2017.
Néanmoins, les gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans n’ont pas été avares d’initiatives largement médiatisées. Exemple : le programme « 5 000 équipements-Génération 2024 », lancé début 2022 et doté de 300 millions d’euros, a effectivement permis de faire sortir de terre plus de 2 000 structures sportives (ce plan court jusqu’en 2026). Mais il s’agit pour l’essentiel de city stades ou de skateparks inutilisables dans le cadre scolaire :« Avez-vous déjà essayé de faire tenir une classe de 30 ou 35 élèves sur un terrain de basket 3×3 ? »ironise Coralie BENECH, cosecrétaire générale du Snep-FSU, qui remarque également que ces structures entraînent une pratique très genrée, les garçons étant nettement majoritaires dans leur fréquentation. Pas de quoi corriger un travers généralisé dans le sport puisque les filles, toutes fédérations confondues, pèsent moins d’un tiers (32 %) des licenciés…
En primaire, les « 30 minutes d’activité physique quotidienne » ont dégradé la pratique sportive : pressés de se consacrer aux « fondamentaux », peu formés puisque l’EPS a disparu des épreuves des concours de recrutement, les professeurs des écoles se rabattent sur ce programme dépourvu d’exigence qui a souvent pris la place de l’éducation physique en bonne et due forme. Même chose pour les « 2 heures de sport en plus » au collège, qui, selon l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, ont atteint seulement 10 % de leur cible : les jeunes « éloignés du sport ». En revanche, elles ont compliqué le sport scolaire en se plaçant en concurrence pour occuper des équipements déjà trop rares et surfréquentés.
« Toutes les réformes depuis 2017 ont amputé l’accès au sport à l’école », résume Coralie BENECH. Cela a été le cas de la réforme Blanquer du bac, qui, en désorganisant les emplois du temps jusqu’à placer des cours le mercredi après-midi, a réduit la fréquentation des associations sportives (AS) scolaires. Même motif, même punition depuis la rentrée dans les collèges avec les groupes de niveau, qui ont entraîné la quasi-disparition des créneaux réservés aux AS entre 12 heures et 14 heures et ont aussi fait disparaître, faute de moyens, des cours de soutien en natation, par exemple.
Le déficit d’équipements sportifs constitue l’autre dimension de la déshérence du sport scolaire. Alors que le « savoir-nager » est une priorité nationale, « 10 % des élèves n’iront jamais à la piscine », affirme le Snep-FSU. En cause, avant tout, le manque de piscines, les 6 000 bassins – dont la moitié seulement sont couverts – que compte la France étant largement insuffisants. Il en faudrait au moins 500 de plus, selon la Fédération française de natation. Mais du côté des communes, la tendance est plutôt à concéder ces équipements coûteux et souvent déficitaires à des sociétés privées…qui s’empressent de faire grimper les tarifs, au mépris de l’accès des scolaires. Le Snep-FSU revendique, lui, un plan pluriannuel de construction d’équipements accessibles à toutes les pratiques, financé à 50 % par l’État – et non par les seules collectivités territoriales. Avec un projet de loi de finances 2025 qui prévoyait, avant la nomination du nouveau gouvernement, une baisse de 11 % des crédits alloués au sport, gagner le développement des pratiques sportives pour le plus grand nombre s’annonce aussi difficile que d’aller décrocher une médaille olympique…
Et ce n’est pas fini...