Loyauté ?
Bien entendu, la fonction de chef d’établissement ne se conçoit pas sans cet attribut. Mais chacun d’entre nous, selon sa sensibilité, mettra plus ou moins d’enthousiasme à appliquer les injonctions (c’est le mode de fonctionnement de notre institution) hiérarchiques. Ainsi, lorsque j’étais en formation, je me souviens de ce proviseur d’un des plus gros lycées de la CUB, qui nous expliquait tous les obstacles réglementaires qu’il avait mis en place pour retarder au maximum l’installation d’un distributeur de préservatifs dans son bahut, alors que le ministre de l’époque (Jack LANG) insistait sur la rapidité de la mise en place : c’était une question de vie ou de mort.
J’ai connu pas mal de ministres, et je me suis efforcé de maintenir les réformes qui avaient été mises en place lorsque que l’élève était au centre du système éducatif et qui n’avaient pas été abolies, tout en participant les dernières années à la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) en fermant les postes de titulaires, qui se transformaient en heures supplémentaires qui ne permettaient pas aux précaires à qui elles étaient attribuées de mener une vie citoyenne.
J’ai toujours scrupuleusement rendu compte à ma hiérarchie de ce qui se passait dans mon établissement, mais j’ai eu la douleur de me rendre compte avant ma retraite que ce n’était pas ce que l’administration attendait. Le mot d’ordre semble être : surtout pas de vagues.
Ainsi, promouvable et non promu à la hors-classe, je ne m’estimais pas qualifié pour émettre un avis autorisé sur l’avancement des personnels placés sous mon autorité, et je m’en remettais aux inspecteurs de la spécialité qui pouvaient favoriser les profs qu’ils souhaitaient. Coup de fil du rectorat : « Monsieur, vous vous êtes trompé en remplissant les dossiers. » « Non, non » rétorquai-je en expliquant la transparence de ma démarche. « Mais cela va faire scandale en CAPA ; pouvez-vous nous faire un écrit ? » « Sans problème ».
Quelques semaines plus tard, je m’aperçois que tout avait été trafiqué, on me prêtait même des appréciations qui auraient pu me faire passer pour un demeuré. Je fis des copies d’écran que je corrigeai en rouge et renvoyai les dossiers au rectorat. Rien n’y fit : les notes et appréciations restèrent trafiquées.
J’eus l’honnêteté de décrire ce fait dans le rapport annuel de fonctionnement. Qu’est-ce que je n’avais pas eu l’outrecuidance d’écrire ! Des membres de l’éducation nationale auraient connaissance de certains travers de notre administration, ce qui était parfaitement déloyal. Décidément, à deux mois de ma retraite, je n’avais toujours rien compris au fonctionnement de l’administration à qui j’avais consacré quarante ans de ma vie. Sûrement, à un moment, il y a eu une erreur d’orientation, et c’était sûrement la directrice de l’école maternelle publique St Luc (Paris XVIII°) qui avait raison : j’aurais dû être Président de la République !
Et ce n’est pas fini…