La Grand-Messe des Escrocs
Enseignements Privés / Enseignement Public
(ici la règle du pluriel a toute son importance.)
« Jésus disait : Aimer. L’église dit : Payer. » Victor Hugo.
Les mots du poète n’ont rien perdu de leur force, mais il est plus que temps de réactualiser la conscience du promeneur cégétiste égaré au milieu des cynismes du libéralisme ambiant. Aujourd’hui, le pèlerin cégétiste est convié à la célébration d’une messe d’action de grâce demandée par les directions diocésaines et la direction des enseignements privés, à dominante catholique de 97 %. Il s’agit bien de remercier le dieu libéralisme de pouvoir puiser dans les caisses de l’État, et, sans contrôle, jouer avec de l’argent qui ne lui appartient pas depuis 1905 .
Notre pèlerin cégétiste s’installe sur l’une des chaises du fond. Il sait qu’il n’est pas le bienvenu, mais il s’en fout, il a trop besoin de savoir jusqu’où va la dilapidation de son argent. Le bâtiment gris et angoissant se nomme Notre Dame des Entourloupes, érigé au bout du boulevard du Mépris des Services Publics. Une géométrie incontournable place depuis la Loi Debré de 1959 les différentes instances autour du coffre fort central. Dans le Chœur, quelques vieux prêtres s’assoupissent, ils savent qu’ils ne sont plus très importants dans la pratique des additions et des multiplications. Cela fait longtemps que la soutane a été remplacée par la cravate club.
Dans la nef, par l’importance des sommes versées, s’installent, dans les premiers rangs, les « généreux » donateurs de la puissance publique : l’État et les collectivités territoriales ( régions et mairies). Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’enseignement privé qui accueille 17% d’élèves (plus de deux millions d’élèves en France) est financé à 75 % par la République Française. Investissement annuel en 2022 de 8 milliards d’Euros qui représente 13,9 % de la dépense publique en matière d’éducation.
Derrière eux, beaucoup plus discret, le Patronat, le doigt sur la couture du carnet de chèques, certains sont parfumés à l’eau bénite, prêts pour les bonnes œuvres pédagogiques : pour toi du neuf en informatique, pour toi une nouvelle salle de sports, pour toi le malchanceux au milieu d’un quartier populaire le matériel usagé du premier établissement cité. « Ah ces dames patronnesses qui reconnaissent leurs pauvres à grand-messe ! » Le grand Jacques BREL, avec ses mots désabusés est plus que le bienvenu dans ce tableau effrayant. Les visiteurs cégétistes ne sont pas au bout de leurs surprises et s’interrogent maintenant sur l’identité sociale de celles et ceux qui composent les derniers rangs.
Voici enfin « les cochons de payants » : les parents d’élèves. Ils ont choisi « pour le meilleur de leur enfant » la réalité d’un établissement privé. C’est ici qu’il faut expliquer le pluriel du sur-titre. A la différence de l’enseignement public gratuit et accessible pour toutes et tous, les écoles, collèges, lycées du privé sont payants et opèrent une sélection à l’entrée. Le mot sélection ne doit pas faire peur, mais il désigne une intrusion malsaine dans le « privé » économique et social de chaque famille. Dans le meilleur des cas, l’analyse de la feuille d’impôt est de mise. Ainsi les parents demandeurs se verront proposer une « tranche » de scolarité mensuelle adaptée à leurs revenus. Résultat des courses : les établissements de l'Enseignement catholique sont financés, aux trois quarts, par l'État et les collectivités territoriales et refusent tout contrôle de la fonction publique sur leurs moyens de gestion. Ben voyons !
Rappel historique : en 1984, le parti socialiste, par la proposition de la Loi Savary, voulut mettre fin à cette injustice. Cette proposition de loi visait à intégrer l’enseignement privé dans le service public d’éducation, ce que demande encore et toujours les personnels cégétistes du privé. La droite s’est mobilisée en masse : 500 000 « catholiques » se sont retrouvés dans la rue, pas n’importe laquelle, devant le château de Versailles. Ça ne s’invente pas. Depuis la grand-messe pour le dieu coffre-fort est célébrée chaque jour pour justifier des dépenses avec le fric qui est normalement destiné à l’enseignement public. Un jour, si la CGT retrousse ses manches républicaines, un jour peut-être, cessera le bruit des cloches de la grand-messe des escrocs.
Laurent BENOIT
Au nom du Collectif Retraités Éducation Nationale pour la Région Nord.
Et ce n’est pas fini...