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Le blog de Bernard SARLANDIE

Né voltaïque, il est maintenant burkinabè.

18 Mars 2017, 08:16am

Publié par Bernardoc

Une carte postale

Tu m’enverras une carte postale,
De la douceur des eaux,
De la chaleur des lumières !
Ici,
Le Soleil
Fera place à la Lune,
La Lune
Au nuage,
Le nuage
À la nuit,
Envoie-moi une carte postale !
Tu m’enverras cette lumière des nuits,
Des profonds cratères des Vésuves !
Tu m’enverras ce diamant des ténèbres,
De la froideur des Igloos !
Ici,
Le Soleil
Fera place à la Lune,
La Lune
Au nuage,
Le nuage
À la nuit,
Envoie-moi une carte postale !
.

Frédéric Pacéré TITINGA
Refrains sous le Sahel
Éditions L’Harmattan, 1976

Et ce n'est pas fini...

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On continue au Congo.

17 Mars 2017, 00:53am

Publié par Bernardoc

Debout

Et passe
comme on meurt comme on danse
sans aveu
la lame emporte un peu de la mer
vainement

j’ai l’âge des fossiles
mon mal ne guérira personne
une nuit annule les cœurs
que j’ai portés avec ivresse

qui parle encore
comme les lucioles
de la mort ancienne

comme ils vécurent
comme ils s’aimèrent

l’herbe croissait
personne ne s’en doutait

la forêt m’a revêtu de nuit
sans la lumière
de ce qui fait famille
de ce qui fait lien
de ce qui fait chair contre cœur tendre
de ce qui tue l’amour

l’ami trahira
et tout deux en mourront
sans aveu

deux braises sur mon cœur
oh donnez-moi vos yeux
pour mon cœur arable
donnez-moi vos yeux
pour mon sommeil

des enfants font les fous
je retourne aux trous de ma mémoire
je retrouve mon enfance nue
pardonnez-moi mon enfance

l’herbe croissait
j’ai dit à l’herbe
je suis fragile comme la rosée
et l’herbe est morte
sur les braises de mon cœur

vous le voyez j’ai la vie qui tue
malheureusement l’herbe croissait

on a continué
à me huer moi et mes oiseaux
j’avais les lignes de la main
bien saillantes bien saillantes
et sans aveu
mieux que le crabe de terre
j’ai vécu l’humus
de terre cuite
de braises mortes
sans me soucier du sens des vents
l’herbe inclinait le vol des corbeaux
c’était la savane
le soleil buvait l’eau des mares
et je souffrais de timidité

j’ai voulu mourir pour celle qui m’a juré
amour
mes deux mains sont depuis les deux plateaux
d’une balance où peser mon ombre et la sienne
ne les prenez pas entre vos mains
nos ombres sont lourdes

j’ai la vie qui tue
n’approchez pas
le chien a pris des cornes et une fronde
Goliath petit Goliath

le passant cherche son fémur
dans la tendresse de son aimée
le fémur lui rit au nez

une jeune fille hume l’air parfumé au rhum
un tango argentin dans le soir
lui plie la chair aux commissures
elle tend ses bras l’enchantement tombe
elle s’effondre
la pluie tombe lentement à pas de mouche
sur son corps

jeune fille
j’ai la lèpre qui te guérira de tes cauchemars ne ris pas
je meurs à chaque chant d’amour
si je meurs souviens-toi du brasier
elle m’a ri au nez
son rire m’a blessé
j’ai bu la mort par la racine
et j’ai rendu mon cerveau
la racine bue fut un breuvage lucide
c’est de cette façon que j’ai découvert
le sang des courtisanes dans mes mains

mère comme ils vécurent
comme ils s’aimèrent

que chuchote-t-elle la lune
au passant éconduit
j’ai donc eu mon mauvais sang
par désœuvrement
je n’aime personne
mon père
mon pays
pas même annie
personne je veux vivre

une cartomancienne m’a dit
tu es perdu
tu n’es pas si
tu es trop sale
pour être nègre échantillon
blue jazz
tu ne prends pas tes boyaux
pour une peau de tam-tam
et ta tête n’est pas de la bonne ébonite

mimée

quelle agonie

Tchicaya U'Tamsi

Et ce n'est pas fini...


 

 

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Aujourd'hui : le Congo

16 Mars 2017, 08:40am

Publié par Bernardoc

Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons ;
En bas je contemple la terre ferme du passé.
Quand les champs s’ouvraient aux semailles,
Avant que le baobab n’épaule quelques oiseaux
Au premier signal du soleil,
Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi :
Grains de clochettes rythmant mes ablutions.
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons.
Apprends par ce quinzième jour de lune,
Que ce sont les larmes ― jusqu’ici ―
Qui comblent ton absence,
Allègent goutte à goutte ton image
Trop lourde sur ma pupille ;
Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi
Comme si tu m’habitais une seconde fois.

Jean-Baptiste TATI-LOUTARD

Janvier 1965

Et ce n'est pas fini...

 

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Je ne vous le présente pas...

15 Mars 2017, 20:00pm

Publié par Bernardoc

Ville.

Il ne suffit pas d'un tas de maisons pour faire une ville
Il faut des visages et des cerises
Des hirondelles bleues et des danseuses frêles
Un écran et des images qui racontent des histoires

Il n'est de ruines qu'un ciel mâché par des nuages
Une avenue et des aigles peints sur les arbres
Des pierres et des statues qui traquent la lumière
Et un cirque qui perd ses musiciens

Des orfèvres retiennent le printemps dans des mains en cristal
Sur le sol des empreintes d'un temps sans cruauté
Une nappe et des syllabes déposées par le jus d'une grenade
C'est le soleil qui s'ennuie et des hommes qui boivent

Une ville est une énigme leurrée par les miroirs
Des jardins de papier et des sources d'eau sans âme
Seules les femmes romantiques le savent
Elles s'habillent de lumière et de songe

Métallique et hautaine,
La ville secoue sa mémoire
En tombe des livres et des sarcasmes, des rumeurs et des rires
Et nous la traversons comme si nous étions éternels.

Tahar BEN JELLOUN
Paris, le 11 novembre 2005

Et ce n'est pas fini...

 

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Encore le Cameroun.

13 Mars 2017, 07:18am

Publié par Bernardoc

Ils m’ont dit
 

Ils m’ont dit
tu n’es qu’un nègre
juste bon à trimer pour nous
j’ai travaillé pour eux
et ils ont ri

Ils m’ont dit
tu n’es qu’un enfant
danse pour nous
j’ai dansé pour eux
et ils ont ri

Ils m’ont dit
tu n’es qu’un sauvage
laisse-là tes totems
laisse-là tes sorciers
va à l’église
je suis allée à l’église
et ils ont ri

Ils m’ont dit
tu n’es bon à rien
va mourir pour nous
sur les neiges de l’Europe
pour eux j’ai versé mon sang
l’on m’a maudit
et ils ont ri

Alors ma patience excédée
brisant les nœuds de ma lâche résignation
j’ai donné la main aux parias de l’Univers
et ils m’ont dit
désemparés
cachant mal leur terreur panique
meurs tu n’es qu’un traître
meurs…
pourtant je suis une hydre à mille têtes.

François Sengat-Kuo

Et ce n'est pas fini...

 

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Un autre Camerounais.

12 Mars 2017, 12:27pm

Publié par Bernardoc

J’ai frappé à ta porte
J’ai frappé à ton cœur
Pour avoir un bon lit
Pour avoir un bon feu
Pourquoi me repousser?
Ouvre-moi mon frère !…

Pourquoi me demander
Si je suis d’Afrique
Si je suis d’Amérique
Si je suis d’Asie
Si je suis d’Europe ?
Ouvre moi mon frère !.. .

Pourquoi me demander
La longueur de mon nez
L’épaisseur de ma bouche
La couleur de ma peau
Et le nom de mes dieux,
Ouvre-moi mon frère !…

Je ne suis pas un noir
Je ne suis pas un rouge
Je ne suis pas un jaune
Je ne suis pas un blanc
Mais je ne suis qu’un homme
Ouvre-moi mon frère !…

Ouvre-moi ta porte
Ouvre-moi ton cœur
Car je suis un homme
L’homme de tous les temps
L’homme de tous les cieux
L’homme qui te ressemble !…

 

René PHILOMBE.

Et ce n'est pas fini...

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Aujourd'hui, un poète marocain

11 Mars 2017, 11:25am

Publié par Bernardoc

Nous roulons dans les ténèbres sans rythme.

Des flocons tourbillonnent.

Éclipsant la lune, la neige épouse notre haleine.

Furieuse, la bourrasque suit la cadence.

Sur une terre morte, nos pas cahotants

s'engendrent,

petitement,

dans la couleur, par leur propre souffle


Effrayée, la nuit

essaie de s'endormir

sur un lit gris aux draps blancs

Le pourra-t-elle, tandis que les amants claquent des dents ?

Au sein d'une chaotique harmonie,

je me noie dans l'insomnie

O rage de vivre la splendeur d'une nature indifférente !

Je racle ma mémoire,

en quête de souvenirs

et attends les heures du jour fleuri.

Par, la parole, je vais me réinstaller dans la vie : le rythme me réchauffe, et le poème m'abrite

Mohammed Aziz Lahbabi

Et ce n'est pas fini...

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Un autre poète sénégalais.

10 Mars 2017, 07:06am

Publié par Bernardoc

« Afrique mon Afrique »

Afrique

Afrique mon Afrique

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales

Afrique que chante ma grand-mère

Au bord de son fleuve lointain

Je ne t’ai jamais connue

Mais mon regard est plein de ton sang

Ton beau sang noir à travers les champs répandu

Le sang de ta sueur

La sueur de ton travail

Le travail de l’esclavage

L’esclavage de tes enfants

Afrique dis moi Afrique

Est-ce donc toi ce dos qui se courbe

Et se couche sous le poids de l’humilité

Ce dos tremblant à zébrures rouges

Qui dit oui au fouet sur les routes de midi

Alors gravement une voix me répondit

Fils impétueux cet arbre robuste et jeune

Cet arbre là-bas

Splendidement seul au milieu des fleurs

Blanches et fanées

C’est l’Afrique ton Afrique qui repousse

Qui repousse patiemment obstinément

Et dont les fruits ont peu à peu

L’amère saveur de la liberté.


 

David MANDESSI DIOP

Et ce n'est pas fini...

 

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Aujourd'hui, c'est le Cameroun.

9 Mars 2017, 09:06am

Publié par Bernardoc

Nous reviendrons

Nous reviendrons
Avec la parole
Seule
Dressée comme un éclair
Ténu
Avec le pain
Seul
Pétri de larmes
Et de sang
Versés
Avec une symétrie
De soleil
Pur

Nous reviendrons
Demain
Nous joindre à l’homme
Anonyme
Frémissant dans la nuit
Sur ma terre de bise
Et de froidure
Cruelle
Ma ville en ruine
Se redressant à l’horizon
En flammes
À la densité de notre faim
Quotidienne

Nous reviendrons
Avec nos montagnes
Aux espaces inaccessibles
Et mon chant d’accusation
Armé de pierres de fleuves
D’arbres de présences invisibles
Nos morts qui surgissent
Du sol
Avec leur haine sans recul
Comme autant de tempêtes
Vienne l’heure de la levée
En masse
Vienne l’heure
La colère de mon peuple
Semée de guérilla
Vienne la trame tissée
De nos souffrances
Contre la Négritude lasse

Nous sortirons des forêts
Les plus larges
Dans l’immensité sonore
De ma terre polie de sang
Avec notre cri de syllabes
Denses
Face à la mort
Qui patrouille dans la nuit.

Paul DAKEYO

[ce poème a paru dans Chant d’accusation, St Germain des Prés, 1976]

Et ce n'est pas fini...

 

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Une voix guinéenne.

8 Mars 2017, 06:48am

Publié par Bernardoc

J’ai de la mémoire

 

J’ai une mémoire

Longue longue infinie

Une mémoire intraitable et têtue

Qui pousse

Jusque

Dans la nuit des temps

 

Ma mémoire est

Celle de mes frères et de mes sœurs

Celle de mes pères et mères

Celle de toutes les générations

De mon peuple

Qui a souffert

Tout le temps

 

Je suis de la lignée

Des deux cents millions

De mes frères

Qui ont connu

Les peines et les douleurs

Qui ont connu

La mort et l’humiliation

 

Je suis dans le sentier

Des morts et des humiliés des siècles

Je suis dans l’itinéraire

De ceux que

Par l’Europe criminelle

L’Afrique a perdus déracinés

Et qui ont été jetés

Dans tous les bagnes

Des Amériques

 

Ma mémoire est fidèle

Aux souvenirs amers perspicaces

A ce que dit l’histoire

De tous les temps

A ce que connaît l’expérience

De toutes les générations

 

Ma mémoire

Si longue

Si fidèle

Si têtue

Interroge l’histoire…

 

Ma mémoire sagace

N’a oublié

Ni les inégalités

Les injustices

Ni les prestations

L’indigénat

Le travail forcé

L’effort de guerre

Pour une guerre

Qui n’était pas notre guerre

Mais la leur

Celle des capitaux

 

Sur les routes de l’enfer

Dans l’air flamboyant

Sur les chemins brûlants

J’ai vu trimer les prestataires

Dans les vastes chantiers

Loin des villes des villages

Sous la pluie

Dans le vent énervé

 

Affamés exsangues

Criblés de blessures

Les yeux révulsés hagards

Privés exilés

Des centaines

Des milliers

Des millions

De travailleurs forcés déplacés

Ont souffert leur martyre

 

Les grandes forêts discrètes

Les vastes fleuves

Aux immenses caïmans

Les profondeurs abyssales des mers

Ont été témoins

Muets

De la tragédie centenaire

Des coupeurs de billes

Des coupeurs de bananes

Des cueilleurs de caoutchouc

Des ramasseurs de palmistes

Des chasseurs d’éléphants

Des chasseurs de crocodiles

Des pêcheurs de perles

De toute l’existence humiliée

De mes frères

 

Ma mémoire

Qui juge

Qui condamne

Ne pardonne pas

La disqualification

Que connaissent mes frères

Mes frères

Du Sud de l’Afrique martyre

Mes frères

De l’Angola invincible

Mes frères de l’irrésistible Bissao

Mes frères

Du courageux Mozambique

Ceux de Zimbabwe

De toute l’Afrique

Dépossédée

Violentée

Révoltée

Camara SIKHÉ

Poème de combat et de vérité, P.-J. Oswald, 1967

Et ce n'est pas fini...

 

 

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