Vous avez dit CRIQ ?
Et si on parlait plutôt de budget participatif ?
Extrait de l'Humanité d'aujourd'hui
Le nombre de budgets participatifs a doublé en à peine un an. Actuellement, une cinquantaine de villes ont décidé de laisser aux habitants le choix de définir l’utilisation d’une partie du budget.
Souvent étonnantes, ces pistes ne sont pas le fruit des réflexions de l’équipe municipale : elles sont directement formulées par les habitants, au travers du budget participatif. « Prenez le pouvoir et décidez comment utiliser une partie de vos impôts pour réaliser les projets qui vous tiennent à cœur ! » Patrice BESSAC, maire PCF de Montreuil, est convaincu que le budget participatif est « un levier » pour faire émerger dans la politique municipale « une vision plus quotidienne, plus simple, plus ancrée dans la vie associative des différents quartiers ».
Comme à Paris, ce sont 5 % du budget d’investissement de la ville qui seront fléchés directement par les habitants, via le budget participatif. Le principe est simple : les citoyens sont appelés à élaborer des projets pour leur quartier. Une analyse technique est réalisée par la ville et les projets les plus solides sont soumis au vote. Ceux qui sont retenus sont mis en œuvre par l’exécutif local selon le précepte : « Vous décidez, nous réalisons. »
« Nous donnons du pouvoir d’agir concret aux habitants », insiste Tania ASSOULINE, adjointe au maire, déléguée à la démocratie locale.
Le budget participatif est né en 1989 à Porto Alegre au Brésil. Cette innovation a été importée en France par « les courants altermondialistes dans les années 2000 et mise en œuvre bien souvent par des municipalités communistes », explique Yves SINTOMER, professeur de science politique à Paris-VIII. Aujourd’hui, l’intérêt pour cet outil connaît un véritable essor. En moins de trois ans, le nombre de budgets participatifs a été multiplié par 8 dans l’Hexagone. Au total, 47 villes françaises y ont eu recours en 2017, contre 25 l’année précédente. Si les deux tiers d’entre elles sont dirigées par la gauche, l’UDI et le Modem s’y mettent aussi (Mulhouse, Montrouge…). C’est aussi le cas du maire d’Orléans qui a récemment quitté « Les Républicains ».
Comment expliquer ce regain d’intérêt ? « Une nouvelle vague est apparue en France et en Europe avec l’adoption du budget participatif à Lisbonne, en 2008, et à Paris, en 2014 », rapporte Yves SINTOMER. En plus d’offrir une exposition plus grande, ces deux projets portaient aussi « des pouvoirs décisionnels plus prometteurs, en octroyant aux citoyens la possibilité de voter sur les projets ». Cela donne un « enjeu concret » et motive les participants. À condition que « les sommes soient suffisamment conséquentes », prévient toutefois Yves SINTOMER, en cette période de baisse des dotations.
« En France, les budgets participatifs visent en premier lieu à booster la participation citoyenne plutôt qu’à réorienter les ressources publiques en faveur des plus pauvres », abonde le spécialiste Antoine BEZARD. Cet objectif de partage des richesses était pourtant à l’origine du projet de Porto Alegre et demeure très présent dans le budget participatif de San Antonio, au Chili. « Dans cette ville de 100 000 habitants, un tiers de la population se mobilise pour défendre ses intérêts. »
Le budget participatif est donc l’occasion d’inventer un nouveau rapport entre les citoyens et la municipalité.
Et ce n'est pas fini...