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Le blog de Bernard SARLANDIE

Après avoir raboté les dépenses de l'État, Bercy veut s'attaquer aux dépenses sociales

27 Février 2024, 14:33pm

Publié par Bernardoc

In Le Figaro du 27 février 2024 (extraits)

Pour renflouer les caisses, le gouvernement a longtemps parié sur la croissance et la baisse du chômage ; mais force est de constater que cette stratégie s'essouffle alors que la croissance patine (0,9 % attendu en 2024, au lieu de 1,4 % prévu) et que le chômage remonte (7,5 % fin 2023 contre 7,1 % un an plus tôt). Face à ce constat, l'heure est aujourd'hui à la recherche d'économies tous azimuts. D'autant que le gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter les impôts, et même à les baisser de 2 milliards d'euros pour les classes moyennes, dès 2025. L'équation promet d'être complexe à résoudre.

Bruno Le Maire est monté en première ligne, la semaine dernière, pour annoncer 10 milliards d'économies dans la sphère de l'État : 2,2 milliards pour le ministère de l'Écologie, 1,1 milliard au ministère du Travail, 900 millions à la Recherche et à l'Enseignement supérieur, etc. Le message est clair : l'État montre l'exemple en réduisant son train de vie. Mais Bercy veut désormais aller plus loin en coupant dans les dépenses sociales, auxquelles la France consacre 849 milliards d'euros par an, soit 32,2 % de son PIB. Englobant pensions de retraite, frais de santé, minima sociaux et allocations chômage, ces dépenses sociales représentent en moyenne 12 550 euros de prestations par an et par habitant, selon les chiffres de la Drees. Un terrain politiquement miné, car il s'agit de s'attaquer au « modèle social » français.

Les comptes sociaux sont dans le rouge : le « trou de la Sécu », proche d'être comblé en 2018, est retombé à un niveau abyssal avec le Covid (39,7 milliards). Après un rebond post-pandémie, la trajectoire se dégrade à nouveau avec un déficit de 11,2 milliards d'euros attendu cette année et 17,5 milliards en 2027. « L'arrêt du redressement des comptes de la Sécurité sociale, sans événement exogène – crise économique ou sanitaire pouvant l'expliquer –, est très notable et préoccupant », s'alarmait en début d'année le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale.

Le gouvernement a déjà durci les conditions d'indemnisation des chômeurs, réformé Pôle emploi (devenu France Travail), soumis le RSA à 15 heures d'activité hebdomadaire, et encore annoncé dernièrement la fin de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). « C'est la première fois qu'un minima social est supprimé, il fallait le faire », se félicite Matignon. Pour aller plus loin, l'exécutif envisagerait désormais d'augmenter le taux de CSG sur les indemnités chômage : alors que la CSG sur les salaires des actifs s'élève à 9,20 %, elle est fixée à 6,2 % sur l'allocation-chômage ou 3,8 % pour les chômeurs non redevables de l'impôt sur le revenu. « Cette mesure pourrait venir financer la baisse d'impôts de 2 milliards pour les classes moyennes », indique l'entourage du premier ministre. Mais elle va faire hurler les syndicats, actuellement en pleine négociation sur l'assurance-chômage et l'emploi des seniors. En revanche, pas question à ce stade d'augmenter la CSG des retraités, qui bénéficient eux aussi d'une CSG réduite, avec quatre taux différents en fonction de leurs revenus : de l'exonération totale (0 %) pour les plus modestes à 3,8 %, 6,6 % et 8,3 % pour les plus aisés.

Les pensions constituant la majeure partie des dépenses sociales, l'objectif de la réforme des retraites, augmentant l'âge de départ de 62 à 64 ans, était d'alléger ce poids. Mais l'exécutif est décidé à s'attaquer à l'autre sphère sociale la plus coûteuse : la santé. Une gageure, alors que l'hôpital comme la médecine de ville sont en crise. « La gratuité de tout, pour tous, tout le temps, ce n'est plus possible », grince-t-on au sommet de l'État. Après le doublement de la franchise de 0,50 euro à 1 euro sur les boîtes de médicaments, qui entrera en vigueur le 31 mars, l'exécutif veut limiter les dépenses de médicaments (32,7 milliards d'euros en ambulatoire) mais aussi celles, en forte hausse, des arrêts maladie (20,9 milliards d'euros d'indemnités journalières). Deux coups de rabot récurrents dans tous les budgets de la Sécu ces dernières années, qui se sont révélés jusqu'ici plus faciles à dire qu'à faire. Le dossier des patients en affection longue durée (ALD), qui représentent 66 % des remboursements, est aussi sur la table : trop souvent ils sont remboursés à 100 % pour tous leurs soins, et pas simplement leur ALD. Les transports sanitaires (5,8 milliards d'euros en 2023) sont également en ligne de mire : la loi de finances de la Sécu pousse au « coboiturage sanitaire » pour mutualiser les trajets des patients médicalisés. Seulement 15 % des trajets sont déjà partagés ; l'idée est de réduire le coût des trajets pour la Sécu à hauteur de 100 millions d'euros par an entre 2025 et 2027. La mesure suscite l'ire des taxis, alors que dans les zones rurales le transport médical représente jusqu'à 90% de leur chiffre d'affaires.

Dans le même esprit, certains frais de santé pourraient à l'avenir être remboursés en fonction des revenus. Un scénario « confirmé » par Matignon, « sans plus de détails pour l'instant ». Un coup de canif au principe de l'universalité des soins, semblable à celui fait à la politique familiale en 2014, quand François Hollande avait instauré la modulation des allocations familiales selon les revenus.

Et ce n'est pas fini...

 

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